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la colère ne l’est jamais. Je veux me calmer, je veux prendre l’air, marcher, respirer ; oui, je vais chasser un peu, pour me remettre. (Il prend son fusil.) Après quoi… de sang-froid, avec calme… Sortons ! je me sens très mal ! (Il croit sortir, fait le tour de la chambre et tombe accablé devant son bureau, la tête dans ses mains, son fusil près de lui.)


Scène XIV.

LOUISE, DURAND.
Louise.

Monsieur,… puisque vous dînez dehors, je crois qu’il serait temps de vous habiller. (Durand lui fait signe de ne pas le déranger.) Ah ! il travaille, il travaille à réfléchir. Pauvre maître ! il souffre peut-être… Non, il ne se rend pas compte ;… mais je vois le danger, moi, et je ne sais plus comment me conduire… S’il m’aime, c’est qu’il est décidé à m’épouser. Quel malheur pour moi ! J’en mourrai de chagrin !… Car de lui dire non après tout ce qu’il a fait pour moi, ça n’est pas possible. Je serais une ingrate, une lâche, un mauvais cœur ! Si je m’en allais !… Ça serait pire, il aurait trop de chagrin ; mais si je reste,… ce pauvre Jean !… Mon Dieu ! mon Dieu !… Pourquoi faut-il que monsieur ait pris tant d’amitié pour une pauvre fille qui aurait pu être si heureuse à son service avec ?… Ah ! le voilà qui se réveille de ses pensées… Comme il est pâle ! Est-ce qu’il serait malade ?… Il ne me manquerait plus que ça !

Durand, brusquement.

Qu’est-ce que tu fais là ?

Louise.

J’attendais pour vous dire l’heure, mais… Est-ce que monsieur n’est pas bien ?

Durand, brusquement.

Moi ?… Tu es folle !

Louise.

Pourtant…

Durand.

Ne me parle pas. Je suis préoccupé… Je travaille !… Va, laisse-moi ! (Louise veut sortir.) Où vas-tu ?

Louise.

Vous me dites de m’en aller.

Durand.

Ce n’est pas une raison pour ne pas te demander où tu vas.

Louise.

J’irai où vous voudrez.