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« ce qui manqua dans les préparatifs, ce furent l’activité, l’énergie, car la moitié de l’armée extraordinaire était nue, le tiers sans armes. Le dénûment, la honte, la crainte même de n’être pas traités en soldats par l’ennemi, accroissaient chaque jour la désertion. » Et que l’on ne dise pas que l’auteur ici se presse trop d’accuser, car il allègue des témoins irrécusables, jusqu’ici trop peu consultés, les lettres de Suchet, les états de situation de Rapp, de Lecourbe. S’il en coûte trop de condamner Napoléon sur ces indices, contentons-nous d’avouer qu’il y a des choses impossibles à un seul homme. Quand il s’agit de supprimer ou de remplacer le temps, une nation seule en est capable.

On lira dans l’ouvrage que je viens de citer des pages lumineuses, pleines de faits, d’observations, de vues, sur les ressources de la France, sur la composition des armées en 1815. Ces pages sont un riche arsenal où les historiens iront souvent puiser. Jamais le dénombrement des différentes forces qui vont se trouver aux prises n’a été calculé avec tant de précision et de fermeté. C’est là qu’il faut avoir un coup d’œil éprouvé pour distinguer l’apparence de l’effectif réel, ce qui a été fait de ce qui aurait pu l’être, tant Napoléon est habile à montrer qu’il n’a rien omis de ce qui était possible. Au milieu de ces chiffres se détachent, nets et vigoureux, les portraits, les caractères des principaux chefs d’armée. Pour moi, sans entrer dans une analyse désormais épuisée, je me bornerai à un rapide tableau des forces en présence.


VIII. — COMPOSITION ET SITUATION DES ARMÉES FRANÇAISES, ANGLAISES ET PRUSSIENNES.


Contre quelle partie de la ligne ennemie seront portés les premiers coups ? Cette question se trouvait résolue d’avance par la position des armées étrangères. Napoléon négligera toutes celles qui sont encore éloignées des frontières ; il ne leur opposera qu’un rideau. Rapp, avec 20,000 hommes, couvrira l’immense frontière de l’est ; Suchet, avec 16,000 hommes, Lyon, le Dauphiné et les débouchés des Alpes ; Brune, avec 6,000, la Provence et le Var ; Clausel, avec 4,000, les débouchés des Pyrénées orientales et occidentales. Lecourbe couvrira le Haut-Rhin de son nom et des souvenirs de ses campagnes des Alpes plus que de son armée, car il n’aura que 5,000 hommes à opposer à l’Autriche ; 25,000 des meilleures troupes seront données à Lamarque pour étouffer la révolte royaliste de la Vendée : il serait trop imprudent de la laisser se développer. L’absence de ces 25,000 hommes, en partie d’élite, laissera un vide profond dans le système de défense. Peut-être leur intervention serait décisive à l’heure de la bataille !

Au lieu de ce simulacre de force, plusieurs ont soutenu qu’il eût