Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/868

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comptait dans les rangs 89,415 fantassins, 22,302 cavaliers, 12,371 artilleurs et soldats du génie, 3,500 hommes dans le grand parc, total 128,088 hommes, 346 bouches à feu. Elle était divisée en cinq corps, le premier commandé par d’Erlon, le deuxième par Reille, le troisième par Vandamme, le quatrième par Gérard, le dernier par Lobau.

Outre la cavalerie répartie entre eux, on avait formé quatre corps de cavalerie de réserve, sous Pajol, Excelmans, Kellermann, Milhaud. Cette masse de 103 escadrons, ou 11,826 cavaliers, presque tous hommes d’élite, est réunie sous le commandement du maréchal Grouchy.

La garde présentait en ligne 12,941 fantassins, 3,689 cavaliers, 52 bouches à feu. Grâce à la distribution savante de ses forces. Napoléon s’est ménagé ainsi une réserve de 30,000 hommes qu’il jettera à propos dans la balance. L’artillerie est fournie d’un simple approvisionnement, car les chevaux manquent, et l’on a dCi même faire une réquisition de chevaux de poste pour le grand parc. Les soldats les plus jeunes datent de Lutzen, les plus vieux de Marengo, plusieurs chefs de Jemmapes. Si vous considérez individuellement les hommes, les armes, l’équipement, c’est une des plus belles armées qu’ait possédées la France. Elle n’en avait pas eu depuis la révolution où le moral eût été plus exalté, disposition admirable, qui peut, par son excès même, devenir un danger ; car on n’avait pas vu depuis longtemps de troupes si ardentes, si ombrageuses, si raisonneuses. Celles-ci se rendaient compte avec anxiété de tous les mouvemens prescrits, comme si elles avaient à commander autant qu’à obéir. L’armée ayant fait la révolution de 1815, il lui restait le tempérament d’une foule agitée. Elle était peuple plus qu’aucune autre. Inquiète, soupçonneuse à l’excès, parce qu’elle avait refait à elle seule l’empire, qu’elle en était responsable, elle veillait sur son ouvrage. Surtout elle se souvenait d’avoir été vaincue, sans pouvoir le comprendre. Elle avait vu ses chefs passer avec une rapidité inouie dans des camps opposés, et ce qu’elle ne s’expliquait pas, elle l’appelait trahison. Un seul homme avait conservé la confiance entière du soldat : c’était l’empereur. La merveille du retour de l’île d’Elbe avait encore accru la magie de ses aigles.

Quant à tous les autres, il dépendait de la moindre apparence pour qu’on les soupçonnât. Les plus illustres étaient Soult, Ney, Lobau. Quelques-uns craignaient que le duc de Dalmatie, accoutumé depuis longtemps à une sorte de royauté militaire exercée au loin et sans contrôle, dédaignât les détails secondaires de l’état-major-général, abandonnés auparavant à la patience éprouvée de Berthier. Et qu’arriverait-il si, tous sachant commander, nul ne