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commun. On le rencontrait jusque dans les environs de Paris, comme paraît l’indiquer le nom d’Ours-Camps (Champs-des-Ours) que porte une forêt du département de l’Oise[1]. Chassé de partout sans trêve ni relâche, il s’est retiré devant l’homme, qui va aujourd’hui le relancer jusque dans les retraites où il s’est réfugié, et qui finira par en débarrasser complètement le sol de la France. Le même sort est également réservé au loup, auquel il faut pour vivre de vastes espaces de landes, de bruyères et de forêts. A mesure que les campagnes se peuplent, que les forêts se défrichent, que les terres se cultivent, il voit peu à peu se resserrer le domaine où naguère encore il régnait en souverain. Traqué de tous côtés, sa tête mise à prix, il n’échappera plus longtemps à une destruction absolue. On a même créé dans cette vue le service spécial de la louveterie. Ce service est composé de chasseurs auxquels l’administration forestière confère le titre de lieutenans de louveterie, et qui sont chargés de poursuivre les loups partout où leur présence est signalée. C’est une fonction purement honorifique, elle ne donne d’autre droit à ceux qui en sont revêtus que celui de chasser deux fois par mois le sanglier dans les forêts de l’arrondissement, afin de tenir leurs chiens en haleine. Les loups se chassent à courre; mais c’est une chasse difficile et pénible, car, doués d’un jarret infatigable, une fois qu’ils sont lancés, ils filent droit devant eux à travers les champs, les vignes, les vallées, entraînant à leur suite la meute, qui, bientôt dépaysée, abandonne la chasse. Le plus souvent on se contente de faire des battues. Quand un loup a été signalé dans une forêt, le lieutenant de louveterie convoque tous les chasseurs du pays et les poste sur la lisière du bois; puis, avec ses chiens, ses piqueurs et ses traqueurs, il pénètre dans l’intérieur des massifs en cherchant à faire débusquer l’animal sur la ligne des tireurs qui l’attendent au passage. En Angleterre, on assure qu’il n’en existe plus un seul.

Le chat sauvage, le blaireau, le renard, la fouine et autres carnassiers, plus petits que l’ours et le loup, ne sont pas à craindre pour l’homme; mais, grands destructeurs de gibier, ils sont le fléau des chasseurs, qui les poursuivent à outrance et cherchent à s’en débarrasser par tous les moyens, fût-ce par le poison. Dans les forêts qui sont affectées à la dotation de la couronne, où la chasse est chose fort importante, les gardes ont l’ordre de les anéantir jusqu’au dernier, et reçoivent des primes pour chaque tête qu’ils apportent. Ces animaux ne méritent peut-être pas tous une proscription aussi absolue, car plusieurs d’entre eux détruisent beaucoup de mulots

  1. Peut-être aussi ce nom vient-il du mot urus (aurochs), espèce de bœuf sauvage, auquel nos premiers rois faisaient la chasse dans la forêt de Compiègne.