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printemps, quittent la forêt pour la plaine, et réciproquement; les perdrix, qui séjournent habituellement dans les champs et ne viennent en forêt que pour s’y remiser sur les bords, sans s’aventurer dans l’intérieur; enfin les grives, dont quelques espèces sont émigrantes, et dont la chair est fort estimée, surtout dans les localités où elles ont pu se nourrir de baies de genévriers. Telles sont à peu près les seules espèces forestières qui, dans nos pays, peuvent être considérées comme gibier, les seules dont la chasse devrait être permise; quant à celle des insectivores et des oiseaux chanteurs, elle devrait être rigoureusement interdite[1].


III.

Si la plupart des oiseaux prennent indifféremment leur nourriture dans le règne animal et dans le règne végétal, il n’en est pas de même des mammifères. Chez ceux-ci, la différence entre les espèces herbivores et les espèces carnivores est beaucoup plus tranchée; il n’y a pas de confusion possible, car la construction de la mâchoire suffit pour caractériser le régime alimentaire. A n’envisager que la question forestière, tous les animaux herbivores seraient nuisibles, puisqu’ils ne vivent qu’aux dépens des arbres, dont ils dévorent les jeunes pousses; tous les carnivores au contraire seraient utiles, puisque, faisant leur proie des premiers, ils en entravent la multiplication et atténuent les-dommages qu’ils peuvent causer; mais l’intérêt forestier n’est pas seul en cause, et les chasseurs s’y montrent en général assez peu sensibles. A leurs yeux, les animaux nuisibles au premier chef sont ceux qui détruisent le gibier, c’est-à-dire tous les carnassiers, et ils leur font à ce titre une guerre acharnée. Quelques-uns d’entre eux d’ailleurs, comme l’ours et le loup, sont dangereux même pour l’homme, et c’est avec raison qu’on ne les épargne pas.

Le premier, actuellement confiné sur les sommets les plus inaccessibles des Alpes et des Pyrénées, était autrefois beaucoup plus

  1. Elle l’est d(jà dans plusieurs états de l’Allemagne, notamment en Saxe, où l’on a été jusqu’à imposer les oiseaux détenus dans les cages. Chaque rossignol y est taxé à 20 francs par an. On paraît vouloir suivre chez nous cet exemple, car le sénat, adoptant les conclusions d’un rapport de M. Bonjean (25 juin 1861), a prononcé le renvoi au ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, de plusieurs pétitions demandant que le gouvernement prenne des mesures pour la conservation des oiseaux utiles. Il est bien à désirer qu’une prompte satisfaction soit donnée à ce vœu, car, ainsi qu’on l’a fait spirituellement remarquer, du moment que la loi défend les industries nuisibles, il est difficile de s’expliquer pourquoi elle tolère la destruction des oiseaux, qui est une fabrication indirecte de chenilles et de vipères.