Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/934

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qu’au fond de leurs terriers; mais comme la présence des renards est incompatible avec l’élève du faisan, ce sont des auxiliaires auxquels il faut l’énoncer. Les clôtures dont on entoure les coupes ne peuvent même pas empêcher le mal, puisque les lapins passent par-dessous, et que d’ailleurs les jeunes bois ne sont pas seuls exposés à leurs attaques. Dans les forêts de l’état, ils sont moins nombreux, car les adjudicataires de la chasse, responsables des dégâts qu’ils peuvent commettre, ont intérêt à ne pas les laisser pulluler outre mesure.

Les lièvres, quoique appartenant à la même famille, sont beaucoup moins nuisibles, parce qu’étant moins prolifiques, ils ne se multiplient pas avec la même rapidité, et que, préférant l’herbe au bois, ils cherchent, quand ils le peuvent, leur nourriture dans la plaine. Comme d’ailleurs ils ne se terrent pas, ils échappent plus difficilement que les lapins à leurs ennemis. La chasse au lièvre est une des plus agréables qu’on puisse imaginer : nous voulons parler, bien entendu, de la chasse au bois et au chien courant, car nous n’avons jamais compris la poésie de la chasse en plaine et l’agrément qu’on trouve à suivre pas à pas, en plein soleil, au milieu des terres labourées, les zigzags d’un chien d’arrêt. Nous ne contestons nullement les qualités de celui-ci. Pour le façonner au service qu’on exige de lui, il a fallu vaincre tous ses instincts, qui le porteraient à s’élancer sur le gibier, au lieu de rester immobile en le fixant. Chassant pour son maître et non pour lui, il est une création artificielle qu’il serait difficile de comprendre si l’on ne se rappelait que l’action du dressage se fait sentir non-seulement sur les individus qui y sont soumis, mais encore sur tous ceux qui descendent d’eux. C’est ainsi que se sont formées des races de chiens d’arrêt qui possèdent en naissant toutes les qualités voulues. Ils sont en général beaux, intelligens, dévoués. Les chiens courans au contraire sont peu sociables et ne reconnaissent leur maître qu’au fouet dont il se sert pour s’en faire obéir. Ceux-ci, les seuls qui conviennent à la chasse au bois, se rapprochent plus de l’état de nature; ils chassent pour leur propre compte, en donnant de la voix comme le loup et le renard, leurs congénères. Pour le lièvre, deux ou quatre suffisent; mais un plus grand nombre ne nuit pas, car le vrai plaisir du chasseur est moins de tirer que d’entendre à travers bois les voix sonores d’une meute bien créancée. Comme tous les êtres faibles qui n’ont aucune arme pour se défendre, le lièvre est très rusé. Ce qu’il fait de tours, de détours, de crochets, de sauts de côté, pour échapper à la poursuite, est presque incroyable quand on n’en a pas été témoin; aussi arrive-t-il souvent que les meilleurs chiens sont mis en défaut et perdent la piste. C’est au chasseur de savoir déjouer ces