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1,000 hectares 24 cerfs, 24 chevreuils et 18 sangliers; dans les forêts résineuses, ces nombres devront être réduits à 18 cerfs, 18 chevreuils et 9 sangliers. S’il se trouve à proximité de ces forêts des cultures susceptibles d’être endommagées par ces animaux, il faudrait les restreindre encore. Les forestiers allemands, on le voit, font ici de l’histoire naturelle pratique dont le résultat se manifeste au profit de l’état par un accroissement de revenu.

Si les autres habitans des bois étaient étudiés avec le même soin et au même point de vue que le gibier, nul doute qu’on n’en retirât des avantages analogues. Les insectes et les oiseaux sont encore si peu connus, il existe à cet égard tant de préjugés, l’influence bonne ou mauvaise qu’ils exercent sur la production ligneuse est si mal appréciée, qu’on ne saurait trop demander aux naturalistes de diriger leurs observations vers ces questions pratiques plutôt que vers les considérations purement spéculatives dont ils s’occupent de préférence. Le genre de vie des animaux est pour nous bien plus important à connaître que des caractères parfois difficiles à apprécier, tels que la longueur de leurs membres ou la conformation de leurs antennes, et leur nourriture habituelle nous en dira plus que le nom grec ou latin de la famille dans laquelle on les a classés. Pour des travaux de cette nature, personne n’est mieux placé que les agens forestiers. Appelés par leurs fonctions à parcourir les bois à toute heure et dans toutes les saisons, ils peuvent suivre les diverses manifestations de la vie animale dans toutes les phases de son développement. Ils ont d’ailleurs dans les gardes placés sous leurs ordres d’intelligens auxiliaires, doués pour la plupart de cet esprit d’observation que développe ordinairement la solitude. C’est ainsi que M. Mathieu, à qui ses travaux ont valu le titre de professeur. à l’école forestière de Nancy, est arrivé à publier un Cours complet de zoologie forestière dont les praticiens ont pu apprécier l’importance. Sans parler des progrès que de telles études suivies avec persévérance imprimeraient aux sciences naturelles, les agens y trouveraient des distractions qui leur permettraient de supporter plus facilement l’absence de société. Placés en effet par les exigences administratives dans des localités parfois dépourvues de toute ressource intellectuelle, ils empêcheraient, en les dirigeant vers ces utiles travaux, leurs facultés morales de s’engourdir dans une énervante inaction. Le docteur Pfeil, qui est arrivé en Prusse au grade le plus élevé de la hiérarchie forestière, raconte que c’est grâce à sa passion pour l’histoire naturelle qu’il a pu supporter, sans s’adonner à la boisson comme tant d’autres, un séjour de douze années dans une maison forestière située au milieu des marais de la Pologne, sans autre société que celle de paysans grossiers avec lesquels au-