Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 34.djvu/941

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cune conversation n’était possible. Une des choses les plus intéressantes à étudier suivant lui, c’est le langage des animaux. Il est certain en effet que tous les individus d’une même espèce se comprennent entre eux; ils ont des cris différens pour l’amour ou la colère, la crainte ou la joie : pourquoi l’homme ne chercherait-il pas à saisir les diverses expressions de ces sentimens? Le chasseur par exemple ne reconnaît-il pas à la voix de son chien quand le gibier est lancé, quand il est en vue, quand la piste est perdue? Persuadé qu’une observation attentive le rendrait maître de ces secrets, le savant docteur se mit tous les jours, pendant plusieurs mois, en embuscade auprès d’un marais sur lequel venait s’ébattre une bande de canards sauvages, cherchant à deviner l’énigme de leurs discours peu harmonieux. Il affirme y avoir réussi au point de reconnaître à leur accent ceux qui venaient d’un pays étranger, et assure, ce que nous n’avons pas trop de peine à croire, que leur langage était devenu plus intelligible pour lui que celui des philosophes de sa patrie.

Au point de vue de l’application, il reste donc beaucoup à faire. La nature, en créant une multitude d’espèces animales, ne s’est aucunement préoccupée de celles qui pouvaient être utiles à l’homme, et ne les a distinguées des autres par aucune propriété particulière. Elle ne leur a donné ni une vitalité plus grande, ni des moyens de défense plus puissans, ni une fécondité plus énergique : elle les a soumises comme toutes les autres à la loi qui en proportionne la multiplication aux chances de destruction qu’elles courent; mais cette loi, qui suffit à elle seule pour maintenir l’harmonie générale, est une loi brutale, sur laquelle l’homme peut exercer son action comme sur toutes celles que la physique et la chimie ont déjà mises à sa disposition. Ainsi, dans le règne animal comme pour le règne végétal, il faut qu’il cherche à multiplier toutes les espèces qui peuvent lui être utiles, et qu’il se débarrasse sans pitié non-seulement de toutes celles qui sont nuisibles, mais aussi de celles dont il ne peut tirer aucun avantage, et qui sont des parasites vivant à ses dépens.


J. CLAVE.