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entr’ouverte. Un gros tas de fumier se trouvait amoncelé sur le seuil. Dans le même instant apparut Hexe-Baizel, repoussant avec un grand balai de genêts verts le fumier dans l’abîme. Cette femme était petite, sèche ; elle avait les cheveux roux épars, les joues creuses, le nez pointu, les yeux petits, brillans comme deux étincelles, la bouche mince, garnie de dents très blanches, et le teint rougeâtre. Quant à son costume, il se composait d’une jupe de laine très courte et très sale, d’une chemise de grosse toile assez blanche ; ses petits bras bruns musculeux, recouverts d’une sorte de duvet jaune, étaient nus jusqu’aux coudes malgré le froid excessif de l’hiver à cette hauteur ; enfin pour toute chaussure elle traînait deux longues savates en lambeaux.

— Hé ! bonjour, Hexe-Baizel, lui cria Jean-Claude d’un ton de bonne humeur railleuse. Vous êtes donc toujours grosse et grasse, contente et réjouie ? Ça me fait plaisir !

Hexe-Baizel s’était retournée comme une belette surprise à l’affût ; sa chevelure rousse avait frémi, et ses petits yeux lançaient des éclairs. Cependant elle se calma tout de suite et s’écria d’une voix brève, comme se parlant à elle-même : — Hullin !… le sabotier !… Qu’est-ce qu’il veut ?

— Je viens voir mon ami Marc, belle Hexe-Baizel, répondit Jean-Claude ; nous avons à causer d’affaires.

— Quelles affaires ?

— Ah ! cela nous regarde… Voyons, laissez-moi passer, que je lui parle.

— Marc dort.

— Eh bien ! il faut l’éveiller, le temps presse.

Ce disant, Hullin se courbait sous la porte et pénétrait dans une sorte de caveau dont la voûte, au lieu d’être ronde, affectait des courbes irrégulières sillonnées de fissures. Tout près de l’entrée, à deux pieds du sol, la roche formait une sorte d’âtre naturel ; sur l’âtre brûlaient quelques charbons et des branches de genévrier. Tous les ustensiles de cuisine de Hexe-Baizel consistaient en une marmite de fonte, un pot de grès rouge, deux assiettes ébréchées et trois ou quatre fourchettes d’étain, tout son mobilier en un escabeau de bois, une hachette à fendre des bûches, une boîte à sel accrochée contre la roche, et son grand balai de genêts verts. À gauche de cette cuisine s’ouvrait une autre caverne, dont la porte irrégulière, plus large du haut que du bas, se fermait au moyen de deux planches et d’une traverse.

— Eh bien ! où est donc Marc ? dit Hullin en s’asseyant au coin de l’âtre.

— Je vous ai déjà dit qu’il dort. Il est revenu hier très tard… Il faut que mon homme dorme, entendez-vous ?