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cuve arrive en quantité déterminée vers une des extrémités de la machine, qui le reçoit sur une toile de cuivre dont le tissu fin et serré a été comparé à du linge ou à une toile d’araignée. Un mouvement vibratoire ou un léger tremblement imprimé à cette batiste de cuivre aide la pulpe fluide à se répandre également, comme une nappe blanche, et à se séparer de l’eau qui la sature jusqu’ici. Une pompe de succion vient encore au secours du crible mouvant, épuise en partie l’air, et engage la pression de l’atmosphère à agir sur la pulpe liquide, véritable ruisseau de lait, pour l’épaissir et la consolider. Désormais la pâte mérite le nom de papier ; il faut maintenant que ce papier sèche, mais il ne faut pas qu’il sèche trop vite. La machine que j’ai vue fonctionner à Dartford est beaucoup plus compliquée dans les détails que toutes celles que j’avais trouvées en Belgique. Une partie des améliorations consiste dans la grande quantité de rouleaux et de tambours qui permettent au papier d’acquérir par degrés l’état de perfection[1]. Un autre avantage que possède la nouvelle machine sur les anciens moules est celui de faire du papier de toutes les dimensions. Les limites de la feuille en largeur se trouvent déterminées à volonté par des courroies qui voyagent avec la pâte liquide et la retiennent comme un ruisseau entre deux rivages. Cette largeur est quelquefois de huit pieds anglais. Quant à la longueur, elle est infinie. Il y a deux ou trois ans, les journaux anglais annoncèrent qu’on voyait à l’exposition de Dublin une feuille de papier assez longue pour envelopper le contour de la terre. Ce doit être une figure de rhétorique ; mais dès 1851 les curieux admiraient à l’exposition générale de Londres deux rouleaux de papier, dont l’un avait 750 et l’autre 2,500 mètres de longueur. On raconte en outre le fait suivant. Un fabricant anglais, causant avec un ami, lui disait que sa machine pourrait faire couler un ruisseau de papier ayant la longueur de plusieurs milles. L’ami opposa d’abord un sourire d’incrédulité ; mais quelle fut sa surprise de recevoir le lendemain chez lui un rouleau de papier qui s’étendait sur une surface, les uns disent de cinq, les autres de dix milles, et sans la moindre déchirure !

Nous avons vu le chiffon devenir papier. Il faut maintenant, au sortir de la machine, le coller, si c’est du papier à écrire, et, dans tous les cas, le couper. C’est encore, pour la plus grande partie, l’ouvrage de deux autres machines. Nous pouvons suivre sans interruption l’un et l’autre procédé dans un des départemens de la fabrique. Pour coller le papier, il s’agit de le tremper dans une dissolution glutineuse, et ensuite de le sécher de nouveau. Qu’on se

  1. Il y en a encore de beaucoup plus chargées en mécanisme que celle du Phénix, et qui coûtent des prix fabuleux.