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milles à l’heure. Cet état de chose se traîna jusqu’en 1784, où un M. Palmer fit une révolution dans cette branche du service public en inventant la malle-poste. Palmer avait été propriétaire du théâtre de Bath, et comme il avait eu sans doute à souffrir des lenteurs et des infidélités des courriers, il imagina tout un système de réformes qu’il soumit, dès 1782, au ministre Pitt. Il demandait à appliquer lui-même ce système, disant que, sil succombait, il ne réclamerait rien pour ses services, mais que, s’il réussissait, il attendait de l’état 2 1/2 pour 100 sur l’accroissement du revenu net. Pitt goûta le plan, mais pour plus de sûreté le transmit au post office voulant avoir l’avis des hommes spéciaux. L’année suivante, les autorités du post office exprimèrent leur manière de voir sous la forme de trois gros volumes d’objections. Ils concluaient en disant que le plan était tout à fait impraticable, mais que dans tous les cas il porterait préjudice au commerce et au revenu de l’état. Cet échec n’ébranla ni la fermeté de Palmer, ni même la protection du ministre. Pitt conduisit l’auteur du plan si laborieusement réfuté au post office et lui fournit ainsi les moyens de surmonter tous les obstacles. Un meeting solennel eut lieu, dans lequel Palmer. se trouva en face du post master general et des principaux officiers de l’administration. Il triompha de ses adversaires en leur opposant de solides raisons, et il fut décidé qu’on essaierait le nouveau système. Le 2 août 1784, la première malle-poste partait de Londres pour Bristol. Elle fut bientôt suivie de plusieurs autres qui se dirigèrent par les grandes routes sur les différens points du royaume. Les avantages de ce nouveau mode de transport pour les lettres et les journaux ne tardèrent pas à être reconnus ; il accrut de beaucoup la moyenne de la vitesse, découragea certaines fraudes et augmenta les ressources du trésor. De 1784 à 1839, la poste anglaise vécut sur le système des malles et sur d’autres progrès qu’avait introduits Palmer dans l’administration. Quelques artistes regrettent même encore, au point de vue du pittoresque, le règne des mail coaches, ces lourdes et vaillantes machines emportées par de forts chevaux anglais, suant et soufflant, à raison de neuf milles par heure. On retrouvait, disent-ils, dans ces malles-postes, quelques traits du caractère anglo-saxon, l’énergie, l’ardeur persévérante et l’intrépidité. Que voulez-vous ? chaque chose a son temps : la malle-poste avait détrôné le courrier, le railway mail service devait détrôner la malle-poste. Les deux systèmes vécurent quelque temps en présence l’un de l’autre ; les dernières mail coaches virent naître les premiers wagons destinés au transport des lettres et des journaux. Depuis une vingtaine d’années, le service de la poste par la vapeur s’est développé graduellement en Angleterre ; aujourd’hui il a pris des proportions gigantesques. C’est la nuit, quand la ligne est libre, quand le bruit des