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anglaise dans la bataille, désormais inévitable. Il promet son appui pour quatre heures, et va rejoindre ses troupes.

Malgré une assurance si formelle, on a blâmé les Prussiens d’avoir eu la témérité d’accepter seuls la bataille de Ligny, privés encore de leur 4e corps, celui du général Bulow, resté loin en arrière. Pour excuser leur audace, ils disent qu’ils n’auraient pu se retirer de Sombref sans renoncer à leur ligne d’opération, chose à laquelle ils ne pouvaient penser, à moins d’y être forcés par une défaite[1]. En allant chercher la bataille à Mont-Saint-Jean, ils n’auraient eu, en cas d’insuccès, d’autre retraite que la Hollande. Accepter la bataille en avant de Bruxelles, c’était, au moindre échec, livrer à Napoléon la capitale de la Belgique et augmenter ses forces de toutes celles du pays envahi. Voilà une partie des raisons qu’ils assignent, sans parler de la promesse positive que le duc de Wellington vient de faire à Blücher de lui venir en aide à Ligny, après avoir passé sur le corps de Ney. Peut-être à ces motifs faut-il ajouter qu’un désir immodéré de gloire, de représailles, de vengeance, l’impatience de se mesurer seul avec Napoléon, de lui tenir tête le premier, et surtout l’espoir de renverser le colosse sans en partager l’honneur avec personne, entrèrent aussi pour quelque chose dans la résolution du maréchal Blücher.

Ce qui autorise toutes ces explications, c’est la position prise par l’armée prussienne dans les champs de Fleurus ; la pensée de Blücher s’y montre à découvert, car cette position n’était pas seulement défensive, elle était hardiment offensive. L’armée ennemie aurait pu, si elle n’avait songé qu’à se ménager la retraite, prendre position à Sombref et Boigne, à cheval sur la grande route de Namur : par là, elle eût été plus rassemblée ; mais les nombreux résultats que l’on poursuivait apportèrent un grand changement à ce plan. Il y avait surtout pour les Prussiens deux buts importans à atteindre : premièrement garder la ligne d’opération sur Namur, et pour cela il fallait occuper Sombref et Tongrenelle sur la gauche ; secondement tendre la main aux Anglais ; pour cela, il faut non-seulement appuyer fortement le centre à Ligny, mais prolonger la droite vers Saint-Amand et Wagnelée. On se cramponnera à ces villages, que l’on défendra pied à pied jusqu’à ce que les alliés, en paraissant à l’improviste sur le plateau de Bry, décident la journée. Le ruisseau de Ligny, encaissé, mais guéable, s’étend sur le front de l’armée ; il ajoute aux difficultés de la position, couverte par six villages, qui, avec leurs maisons de pierre, forment autant de bastions.

Le seul défaut de cette ligne est son extrême étendue de Tongrenelle à Sombref, de Sombref à Ligny, de Ligny à Saint-Amand, et

  1. Voyez Damitz.