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lui appartienne, dans le Condroz, parmi les cultivateurs, on trouve autant de propriétaires que de locataires. Celui qui exploite est donc encore très souvent celui qui possède, condition économique très favorable au bien-être des classes laborieuses de la campagne, qui vivent beaucoup mieux ici que dans la partie occidentale du royaume. Toutefois la quantité de denrées alimentaires livrées par le Condroz à la consommation générale est relativement peu considérable. Un fait suffit pour l’indiquer, c’est la faible densité de la population : on ne trouve pas même un habitant sur 2 hectares 1/2, tandis que dans les Flandres on en compte plus de deux par hectare. Pas une seule grande ville ne s’élève dans le Condroz ; c’est à peine si l’on y rencontre quelques bourgs, et les villages eux-mêmes sont mal peuplés, tristes et sales. Les maisons de pierre noirâtre qui, groupées autour de l’église, constituent les hameaux sont presque toutes habitées par des cultivateurs, et les fumiers, noyés dans une mare boueuse, s’étalent devant la porte des habitations jusque sur la voie publique. Les cabarets même ont un aspect sombre ; une branche de genévrier ou de sapin remplace les enseignes variées où s’exercent le pinceau et l’invention des artistes villageois dans la patrie de Van-Eyck et de Rubens.

La plupart des habitans du Condroz s’occupent du travail de la terre ; néanmoins, comme l’étendue qu’ils ont à leur disposition est relativement assez grande, puisque la superficie moyenne des exploitations, qui dans la Flandre orientale n’est que de 2 hectares 1/2, s’élève ici à 7 1/2, on est forcément ramené à cette conclusion, que, si la production agricole est faible, il faut l’attribuer surtout à l’imperfection des procédés de culture. Le bas prix relatif de la propriété foncière confirme encore l’exactitude de cette appréciation. En corps de ferme, l’hectare se loue de 40 à 60 francs et se vend de 1,200 à 2,000 francs, ce qui, eu égard à la qualité naturelle du sol, paraît un prix très peu élevé, surtout quand on le compare à celui qu’atteignent les mauvais sables mis en valeur à force d’engrais aux environs de Bruges et de Gand. Le cultivateur du Condroz ne se fait pas du reste grande illusion sur ce point, et il convient volontiers que les produits de sa culture ne sont pas très grands ; mais il en rejette toute la faute sur le climat et sur le sol, tous deux, à l’en croire, également peu favorables aux méthodes mieux entendues qu’on voudrait emprunter aux districts plus avancés. C’est en jetant un œil d’envie sur les fertiles plateaux de la Hesbaye, qui se perdent à l’horizon de l’autre côté de la Meuse, qu’il vous dit : « Voilà le bon pays ! Là tout est fleur de terre ; ici il n’en est pas de même, et nous tirons d’un sol ingrat tout le parti possible. » Ces plaintes sont-elles fondées ? Ces accusations adressées à la nature ne devraient-elles