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pas être plutôt retournées contre l’homme, qui néglige d’utiliser les ressources qu’elle met à sa disposition ? Qu’on nous permette d’indiquer, en examinant ces questions, quelques-unes des circonstances qui arrêtent le progrès agricole non-seulement dans cette partie de la Belgique, mais dans plus d’un pays du continent.

Certes ici le climat est rude, et le sol ne vaut pas le riche limon de la Belgique centrale, mais il est très supérieur à celui de la région sablonneuse de l’ouest, et, convenablement traité, il se prêterait à une abondante production de céréales. Tous les moyens de l’améliorer sont sous la main du cultivateur ; on peut sans grands frais faciliter les communications, amender la terre et l’assainir, si elle est trop humide. Presque partout la pierre calcaire abonde. On peut l’employer tour à tour à faire des chemins empierrés, qui ne coûtent pas plus de 5 francs le mètre, et de la chaux, dont le prix de revient ne dépasse pas 6 francs le mètre cube, grâce à la proximité du bassin houiller de la Meuse. L’argile plastique ne manque pas non plus pour faire des tuyaux de drainage, et déjà se multiplient les fabricans, qui les livrent à des prix modérés. Si nulle part le progrès agricole n’est plus nécessaire, nulle part aussi il ne semble plus facile de l’introduire. Le but à atteindre, c’est la suppression de la jachère, afin d’obtenir sur une même étendue des produits plus considérables. L’exemple de la révolution agricole qui a transformé, à la fin du siècle dernier, le Norfolk et le Suffolk en Angleterre, la Hesbaye en Belgique, indique la voie qui peut conduire à ce résultat. Il y a cent ans, l’agriculture anglaise n’était guère plus avancée que celle du Condroz, et l’assolement triennal avec jachère occupe même encore aujourd’hui dans les îles britanniques plus de place qu’on ne le suppose. Il s’agirait de faire ici ce que l’on a fait au-delà du détroit : remplacer la jachère par la culture des racines fourragères ; au lieu de mettre immédiatement l’une après l’autre deux récoltes de céréales, intercaler entre elles une récolte de plantes sarclées ; avec le produit de ces plantes, entretenir un nombre beaucoup plus grand de bêtes à cornes, faire ainsi plus de fumier, et augmenter par suite de beaucoup la production du grain et de la paille, tout en consacrant aux céréales une moindre étendue. Par cette méthode, on arriverait à donner un développement considérable non-seulement aux produits des champs, mais surtout à ceux de l’étable. La voie est donc toute tracée, et il semblerait qu’il n’y eût qu’à la suivre. D’où vient néanmoins que le progrès soit si lent, lorsque les communications sont devenues si faciles, lorsque les journaux d’agriculture pénètrent jusqu’au fond des campagnes et que les méthodes meilleures ne sont ni éloignées