Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/1024

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

romaine se présente à la France. Un journal, en récapitulant les dépenses de l’occupation de Rome depuis l’origine, a montré sans peine que les frais de cette occupation forment une somme considérable qui a contribué d’autant à augmenter le passif de notre situation financière ; mais il ne faudrait pas croire que c’est réellement là tout ce que nous coûte le système incompréhensible que nous suivons dans les affaires de Rome. La France n’est pas liée seulement, par la coopération militaire et politique qu’elle lui a donnée, à la création et aux chances du nouveau royaume italien. Les capitaux français, lorsqu’il y a quelques mois l’Italie fit appel au crédit, se sont engagés avec empressement et avec confiance dans l’emprunt de 500 millions contracté par le gouvernement de Turin. On peut dire que c’est le marché français qui supporte presque exclusivement le fardeau de cet emprunt. De là naît une solidarité passagère, si l’on veut, mais pour le moment très réelle, entre le crédit italien et notre propre crédit. Les fonds italiens, qui flottent sur le marché français en quantités considérables, ne peuvent pas être affectés défavorablement sans que la rente française reçoive le contrecoup de cette dépréciation. Or, par l’effet du système que nous suivons à Rome, avec l’inquiétude que ce système entretient en Italie, avec les difficultés qu’il crée indirectement au gouvernement de Turin, où il use les hommes d’état et fatigue l’opinion, l’emprunt italien a subi une dépréciation considérable, qui, se traduisant en pertes sensibles pour les capitalistes français, est une cause très réelle d’embarras en ce moment pour notre propre crédit public.

L’on a suivi avec intérêt les débats du parlement de Turin, et pourtant l’on savait d’avance que ce n’est pas à Turin que pouvait se faire entendre le mot décisif de la situation, que ce mot ne peut être prononcé qu’à Paris. Dans cette attente forcée dont nul ne nous dit le terme, ce que nous regretterions surtout, c’est que les questions de personnes ne prissent en Italie une importance excessive, et que ce grand sentiment de patriotisme qui avait jusqu’à présent soutenu le mouvement de la péninsule ne fît place à des conflits de mesquines jalousies et de petites rivalités d’ambition. On s’est beaucoup disputé au parlement sur des questions d’administration intérieure. À nos yeux, le malaise qui se trahit dans les questions administratives est dominé par le malaise qui existe dans la situation politique. Le gouvernement de Turin apporterait plus de force et de sûreté dans l’administration des provinces, s’il n’était point entravé dans son développement politique par le triste statu quo romain. Ni les hommes de la gauche, ni ceux du centre gauche ne feraient mieux que M. Ricasoli et ses collègues, vraisemblablement ils ne feraient pas aussi bien. Il n’était permis à M. Ricasoli que de poser et d’ouvrir la question romaine, dans le cadre tracé par M. de Cavour. C’est ce qu’il a fait avec une sincérité et une dignité que personne assurément n’eût dépassées. La route de Rome étant fermée, il n’est pas d’esprit subtil et fécond en ressources qui eût pu agir avec plus d’efficacité que le ministre actuel. À sa place, nous ne voyons pas que M. de Cavour