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eût pu trouver une autre conduite à suivre que de quitter peut-être le ministère et de prendre patience en passant à d’autres les responsabilités du pouvoir. Des ambitieux de génie ne devraient pas en ce moment disputer ouvertement ou sourdement le pouvoir à M. Ricasoli, et les bons citoyens devraient lui savoir gré de la patriotique abnégation qui lui donne la force d’y rester. Il manque au cabinet de M. Ricasoli un ministre de l’intérieur, et il est à désirer que cette place soit bientôt remplie par un bon administrateur ; mais nous doutons qu’aucune autre combinaison pût réunir un nombre d’hommes aussi distingués que les ministres intelligens et laborieux qui composent l’administration actuelle. Des hommes tels que les généraux délia Rovere et Menabrea, ou tels que MM. Peruzzi et Bastogi, ne seraient pas aisément remplacés. Nous regrettons que la presse française, la presse officieuse surtout, donne trop d’importance aux questions personnelles qui s’agitent en Italie. Ce sont des journaux officieux qui ont eu chez nous la funeste idée d’aigrir les divisions intestines dont l’Italie peut être le théâtre en groupant ces divisions sous les dénominations de parti anglais et de parti français : c’est avec de tels mots, imprudemment lancés, que l’on crée les antagonismes que l’on a l’air de déplorer, et que l’on allume des luttes d’influences déplorables. La presse française ferait mieux sans contredit de se préoccuper avant tout de ce qui engage notre responsabilité et nos intérêts dans les affaires italiennes, c’est-à-dire de la question de Rome. Nous avons parlé de finances à propos de la question romaine. Il est possible qu’avant peu un incident financier vienne nous causer à Rome une désagréable surprise. On assure que le parti national se propose d’inaugurer un système de résistance passive au gouvernement pontifical en organisant le refus de l’impôt. Que feront nos soldats en face de cette émeute pacifique ? Prêterons-nous des garnisaires aux collecteurs des taxes pontificales ?

La discussion de l’adresse dans la chambre des représentans de Belgique vient de se terminer après avoir duré plusieurs semaines. Ces débats, surtout dans les deux dernières séances, ont présenté un grand intérêt. La question de confiance, c’est-à-dire l’adhésion de la chambre à la politique du ministère, était nettement posée dans les deux derniers paragraphes de l’adresse. La droite a choisi ce terrain pour y faire assaut de libéralisme avec le ministère. Cette lutte vaut la peine d’être observée. Il n’y a pas sur le continent de pays qui puisse présenter un spectacle aussi consolant. Les deux grands partis qui sont maintenant aux prises dans toute l’Europe, le parti conservateur, plus particulièrement dévoué aux intérêts religieux, et le parti libéral, existent depuis longtemps en Belgique ; mais c’est la bonne fortune de ce pays que le parti catholique y soit au fond et s’y fasse honneur d’être libéral. Le chef de la droite, M. le comte de Theux, a discuté l’ensemble de la politique du parti qui s’appelle plus spécialement libéral depuis l’année 1847 jusqu’à l’heure présente. Il a soutenu cette thèse, quelque peu paradoxale, que depuis 1830 le parti conservateur a toujours été le parti de la liberté, tandis que, suivant lui, le parti dit