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Times par M. Motley, l’auteur bien connu de l’Histoire des Provinces-Unies. M. Motley appartient à une classe peu nombreuse d’hommes cultivés qui depuis longtemps se tiennent aux États-Unis en dehors du courant des affaires publiques : peu jaloux d’entrer en lutte contre des compétiteurs souvent sans scrupule, contre des courtisans grossiers de la popularité et plus empressés à suivre qu’à diriger l’opinion, il ennoblissait ses loisirs par l’étude de l’histoire ; mais, dans la crise actuelle de sa patrie, M. Motley se jeta résolument parmi les défenseurs de l’union, se mêla à la vie publique, et il vient récemment d’être appelé à représenter son pays à la cour de Vienne.

La lettre écrite par M. Motley sur les causes de la guerre civile en Amérique est une admirable page d’histoire constitutionnelle ; elle nous montre d’abord les treize provinces rebelles liées pendant la guerre révolutionnaire par une simple alliance et ne formant pas encore une confédération. L’Angleterre avait alors pour adversaire une ligue ; le congrès était une diète composée par les envoyés d’états souverains, ou en lutte pour obtenir la souveraineté : M. Motley le compare aux états-généraux de l’ancienne république de Hollande, ou à la diète germanique actuelle. Après la guerre, la ligue entra rapidement en décomposition : les souvenirs peu glorieux de cette époque ont été en quelque sorte noyés dans la grandeur et la puissance depuis atteintes par la république ; mais il n’est pas inutile de les rappeler pour montrer ce que l’Amérique gagna par l’union. « Quand la guerre eut cessé, écrit M. Motley, quand notre indépendance fut reconnue en 1783, nous tombâmes rapidement dans une condition d’entière impuissance, d’imbécillité et d’anarchie. Nous avions assuré notre indépendance, mais nous n’avions point fondé une nation ; nous ne formions point un corps politique. On ne pouvait faire appliquer les lois, réprimer les insurrections, obtenir le paiement des dettes. Il n’y avait sécurité ni pour les existences, ni pour les propriétés. La Grande-Bretagne avait conclu avec nous un traité de paix, mais refusait dédaigneusement de nous accorder un traité de commerce et d’amitié, non parce que nous avions été rebelles, mais parce que nous n’étions point un état, — parce que nous n’étions que la ligue à demi dissoute de province ! querelleuses, incapables de garantir les stipulations d’un traité de commerce. Nous ne fûmes pas même capables de remplir les conditions du traité de paix, et d’obtenir, conformément aux stipulations faites, le paiement des dettes dues aux sujets britanniques, et la Grande-Bretagne refusa en conséquence d’abandonner les postes militaires qu’elle occupait en-deçà de nos frontières. Douze ans après que notre indépendance eut été reconnue, nous fûmes humiliés par la vue de soldats étrangers occupant une longue chaîne de forteresses au sud des grands lacs et sur notre propre sol. Nous étions une confédération ;