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qu’alors cette chambre et le sénat entrent en possession d’un pouvoir absolu pour régler cette question de l’esclavage. C’est un pouvoir de guerre (a war power). Quand notre contrée est engagée dans une guerre, que ce soit une guerre d’invasion ou une guerre d’insurrection, le congrès a le pouvoir de conduire cette guerre, et doit la conduire d’après les lois de la guerre ; or un pays envahi par des armées voit toutes ses lois et ses institutions municipales balayées et remplacées par la loi martiale. Par cette loi, quand le pays est envahi et que deux armées hostiles s’y trouvent en présence, les commandans des deux armées ont le pouvoir d’émanciper tous les esclaves. Ceci n’est point une doctrine purement théorique. L’histoire de l’Amérique du Sud prouve qu’elle a été appliquée dans les quarante dernières années. L’esclavage a été aboli dans la Colombie, d’abord par le général espagnol Morillo, en second lieu par le général américain Bolivar. Il a été aboli en vertu du pouvoir militaire confié au chef de l’armée, et l’abolition a eu force de loi jusqu’à ce jour. « Je considère ce point comme faisant partie de la loi des nations. Je dis qu’en temps de guerre l’autorité militaire prend, pour un temps, la place de toutes les institutions municipales, y compris l’esclavage. Dans cet état de choses, non-seulement le président des États-Unis, mais encore le commandant en chef de l’armée, a pouvoir d’ordonner l’universelle émancipation des esclaves. Qu’on réfute mon argument, qu’on me dise, qu’on dise à mes constituans, qu’on dise au peuple de mon état (un état dont le sol ne tolère pas le pied d’un esclave), si nous devons être forcés par la constitution à faire de longues et pénibles marches sous le brûlant soleil du sud pour réprimer une guerre servile, si nous devons laisser nos cadavres sur les sables de la Caroline, laisser nos femmes veuves et nos enfans orphelins, si ceux qui ne peuvent marcher doivent verser leurs trésors, tandis que leurs fils et leurs frères versent leur sang, tout cela pour supprimer une guerre servile, combinée avec une guerre civile ou une guerre étrangère ! et qu’on vienne ajouter encore qu’il n’y a, en dehors des états à esclaves, où cette guerre exerce ses fureurs, aucune autorité qui puisse émanciper les esclaves ! Qu’on me le prouve : jusqu’à ce qu’on ait fait entrer cette conviction dans mon esprit, je continuerai à croire, conformément à un axiome établi de la loi des nations, que, dans un pareil cas, l’autorité militaire prend le dessus sur l’autorité civile. »

Ni le peuple du nord, ni le cabinet de Washington ne sont encore disposés à appliquer dans toute son étendue la doctrine de John Quincy Adams ; mais il n’est pas difficile d’imaginer des circonstances où elle recevrait son application, parce qu’elle serait l’unique remède à la situation. Supposons, ce que je ne suis point disposé à croire, que les armées confédérées remportent des succès décisifs, que la