pays brumeux ont en général de vertes campagnes. Au contraire, en Orient, l’air desséché qui a traversé les déserts dévore toute végétation ; mais aussi cet air, d’une rare transparence, donne au ciel une beauté incomparable. Parmi les erreurs religieuses des anciens, une des plus excusables est celle des Phéniciens, qui, trouvant la voûte céleste trop pure pour dépendre de notre monde, avaient pris les astres pour des divinités.
Pour contre-balancer les sécheresses de l’été, la Providence a donné à Chypre des ressources spéciales : les Monts-Olympes sont un réservoir de fraîcheur ; il s’en échappe des ruisseaux qu’autrefois les habitans retenaient par des rigoles et des écluses pour les forcer de répandre la fertilité dans les champs ; un grand nombre de ces rigoles existent encore. Le nord de l’île ne profite pas des bienfaits des Monts-Olympes, mais il est encore mieux partagé : la chaîne de Cérines forme une muraille qui abrite le rivage contre les ardeurs du soleil ; aussi les caroubiers et les oliviers y forment des ombrages dignes des bosquets antiques de la divinité que Chypre adorait.
Sous l’influence des grandes chaleurs, les fièvres contribuent à donner aux habitans cette langueur qui, dès la plus haute antiquité, paraît avoir fait le fond de leur caractère. Il règne même à Paphos des fièvres pernicieuses qui enlèvent en peu de jours l’homme le mieux constitué. Dans les autres parties de l’île, il est très rare que les fièvres soient mortelles ; elles sont intermittentes. Pour les guérir, on prend le sulfate de quinine à des doses tellement fortes que dans nos pays on les croirait suffisantes pour déterminer les plus graves accidens. Quelle que soit la cause première des fièvres, il est manifeste qu’elles se déclarent le plus souvent à la suite de refroidissemens. Comme nous voyagions en Palestine par une journée brûlante, entre Ramla et Jérusalem, nous rencontrâmes une source très pure, mais d’une extrême fraîcheur. Notre drogman y but à longs traits ; c’était un homme habitué dès son enfance aux voyages et qui n’avait jamais subi l’atteinte d’aucune maladie. Lorsqu’il prenait sa dernière gorgée : « Malheur à moi ! s’écria-t-il, voici la fièvre ! » Cet homme plein de force un instant auparavant ne pouvait plus se tenir sur sa monture ; sa tête penchait sur sa poitrine ; lui et un autre de nos gens, qui avait bu à la source, furent très gravement attaqués. À part les fièvres, Chypre n’a presque aucune maladie : les ophthalmies et les dyssenteries, si terribles en Égypte, sont peu dangereuses. Anciennement la peste y a causé d’affreux ravages, elle a anéanti la population de plusieurs villages ; mais depuis longtemps on n’en a remarqué aucun symptôme.
Telle est l’harmonie de la nature que l’étude du sol et du ciel