Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 octobre 1861.

Il y eut autrefois un général qui, après que le régime de la discussion eut succédé au régime militaire, siégea pendant quelque temps dans notre chambre des députés, et s’y rendit célèbre par l’obstiné refrain qui terminait tous ses discours ; nous voulons parler du général Bertrand. Ce compagnon légendaire de Napoléon, toutes les fois qu’il prenait la parole dans la chambre, et quel que fût d’ailleurs l’objet du débat, ne pouvait se résigner à descendre de la tribune sans réclamer la liberté de la presse. Où donc l’honnête général avait-il puisé ce bizarre amour de la liberté de la presse ? Sans doute dans les illuminations de la captivité de Sainte-Hélène ? Cette protestation incessante du général Bertrand en faveur de la presse libre nous revient à tout moment en mémoire. Nous sommes en effet atteints nous-mêmes d’une semblable manie. Nous voyons dans la liberté de la presse, qui est le résumé et la sauvegarde de toutes les libertés, la solution de toutes les difficultés qui s’élèvent dans notre politique intérieure. Seulement le côté plaisant de l’éternelle revendication du brave et populaire général, c’est qu’il avait choisi, pour demander la liberté, une époque présentement considérée par les bons esprits qui ne partagent point nos opinions comme l’ère abominable de la licence des journaux. Voilà, l’on en conviendra, un ridicule auquel échappent, du moins aujourd’hui, ceux qui comme nous ne craignent point de prendre pour modèle la constance du général Bertrand dans la fidélité qu’ils ont gardée à la cause de la liberté de la presse.

Ce n’est pas sans motif que nous demandons grâce pour notre innocent travers et que nous cherchons l’abri et la protection d’un illustre exemple. Une question intérieure s’est élevée récemment, celle de la société de Saint-Vincent-de-Paul. Les esprits en sont tout échauffés encore. Nous avons la naïveté de croire que la difficulté relative à la société de Saint-Vincent-de-Paul n’eût existé ni pour cette société, ni pour le gouvernement, ni pour