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Relazioni degli Ambasciatori Veneti al Senato, édite da Eugenio Alberi ; 12 vol. Florence.

L’Italie, telle qu’elle apparaît aujourd’hui, est une nation en travail de son avenir et de sa reconstitution, ou plutôt ce mot de reconstitution, dont on se sert quelquefois, est entièrement impropre à caractériser une crise où tout est nouveau, où s’élabore réellement une société moderne distincte de tout ce qu’on a vu au-delà des Alpes. L’Italie a mis la main à l’œuvre, et pour le moment elle est tout entière à l’action. Ce mouvement d’aujourd’hui cependant, on ne le saisirait qu’incomplètement, on n’en comprendrait ni la portée ni les nuances, si on le séparait de cet autre travail de l’esprit et de la pensée qui l’a préparé, mieux encore, si on le séparait de cet ensemble d’événemens qui forment le passé de la péninsule où s’est développé le génie italien. C’est l’œuvre qui est nouvelle aujourd’hui, le génie du peuple italien n’a point changé ; dans cette crise de rénovation, il apparaît avec sa nature traditionnelle en quelque sorte, avec sa souple vigueur, avec ce mélange de qualités et de défauts qui s’allient en lui et font son originalité. De là l’intérêt qui s’attache à l’étude du passé même au milieu du laborieux enfantement de cette destinée nouvelle ; bien des points obscurs dans les caractères comme dans les événemens s’éclairent par l’histoire. On s’est étonné de voir les Florentins, aussitôt après la transformation récente de la Toscane, voter un monument à l’un des plus illustres de leurs compatriotes, à Machiavel, et prendre l’initiative d’une édition somptueuse de ses œuvres ; ce n’était que la manifestation de l’instinct permanent de cette grande race historique et politique qui n’a pas eu seulement tous les dons de l’imagination, qui est surtout merveilleusement propre aux affaires et qui en a gardé le goût à travers toutes les vicissitudes, qui, même en subissant tous les jougs, n’a point cessé de s’occuper d’elle-même avec une persistance de génie pratique manifestement propre à sonder tous les problèmes de la vie publique, à manier les ressorts de l’existence des états. « Lorsque, vers le milieu du XVIe siècle, a dit un écrivain, la plus belle partie de l’Italie eut perdu son indépendance, et qu’il ne resta plus aux esprits généreux une digne arène où s’exercer, beaucoup d’Italiens gardèrent néanmoins le besoin de participer, ne fût-ce que d’une manière abstraite, aux choses publiques, d’en faire le sujet de discussions politiques, de commenter les actes, les lois, les ordonnances de leurs propres gouvernemens et des gouvernemens étrangers. Ces écrits, répandus en copies plus ou moins exactes, tenaient lieu en certaine manière de presse périodique, et étaient soigneusement conservés dans les archives des princes ou de ces familles dont les membres avaient eu quelque part aux affaires d’état, aux secrets des cours ecclésiastiques ou séculières… » C’est ainsi que s’est perpétuée cette tradition du génie politique, et que se sont accumulés tous ces documens qui sont la richesse de l’histoire italienne, qui éclairent le passé en jetant souvent sur le présent lui-même un jour tout nouveau.

Bien des œuvres historiques d’un intérêt sérieux, d’une réelle nouveauté, ont fait revivre le passé de l’Italie dans la variété et le mouvement de toutes