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maladifs, de ces facultés intellectuelles apparues chez des enfans jusque-là très ordinaires, et dont quelques-uns avaient huit ou dix ans. On en a signalé de dix-huit mois. Mais le talent, l’ardeur, l’enthousiasme des autres ont étonné les plus sceptiques. L’épidémie même s’est étendue quelquefois jusqu’aux catholiques, fort surpris de s’agiter et de prêcher à leur tour. Le phénomène est singulier, et la noblesse de la cause le rend intéressant. Les médecins pourtant n’y peuvent voir qu’une forme particulière des affections nerveuses. Les attaques, les convulsions, la figure même des enfans, le son de leur voix, leur démarche, leur tremblement continuel, dénoncent l’épilepsie et ses analogues. Quant aux sermons, au talent, au développement intellectuel, ils sont très fréquens dans le naturel ou artificiel, chez les fous et les hallucinés. La langue naturelle des Cévenols était le patois languedocien, et ils prêchaient en français. Ils eussent parlé latin, si les cérémonies du culte protestant qui saisissaient leur esprit se fussent faites en latin comme les offices des ursulines. Les ouvrages qui décrivent les maladies mentales sont remplis de faits de ce genre, et l’on peut concevoir que les affections qui sans cesse obscurcissent l’intelligence la développent aussi quelquefois ; elles excitent la mémoire aussi souvent qu’elles l’anéantissent. À côté des savans qu’une maladie du cerveau a privés de leur science sont des ignorans qui deviennent habiles, qui retrouvent dans leur cervelle des images qu’ils croyaient effacées. Un jeune homme, à qui son précepteur n’avait jamais pu rien apprendre, après quelques jours de maladie parlait latin sans hésiter. Un garçon boucher, dans des accès de folie, récitait des tirades entières de Phèdre, quoique en bonne santé il n’en pût redire un mot. Une jeune fille, servante d’un curé, parlait latin dans son délire ; une autre, qui sortait de la maison d’un pasteur protestant, prononçait quelques mots d’hébreu. Ces exemples pourraient être multipliés à l’infini. Toute aliénation mentale à son début est accompagnée d’une surexcitation intellectuelle qui a donné des espérances à bien des parens qui voyaient leurs enfans devenir rapidement plus instruits, plus intelligens, plus raisonnables, sans distinguer dans ces changemens les premiers symptômes d’une maladie redoutable. Dans tous les faits de ce genre, il n’y a rien de plus merveilleux que la folie, chose merveilleuse en effet.

Dans toutes les lésions, altérations, inflammations du cerveau ou de quelques-unes de ses parties, l’intelligence est affectée, et l’intégrité de l’un est nécessaire à celle de l’autre. Si les rapports du physique et du moral sont peu connus, du moins, sait-on que ces rapports existent, et que les facultés intellectuelles sont frappées du même coup qui désorganise la substance cérébrale. Or, si celle-ci peut être affectée de diverses façons, pourquoi n’en serait-il pas de