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à distance, et sans être prévenu. Quand le sujet prévoit et attend l’opération, et qu’il se tient tranquille, le sommeil arrive de lui-même ; dans le cas contraire, malgré tous les efforts et tous les récits opposés, il n’arrive point. M. Figuier a rapporté une expérience de M. Morin qui semble concluante. La somnambule s’endormait toujours à l’heure dite, que l’on fît des passes ou que l’on restât immobile. L’autorité du magnétiseur n’est donc pas aussi grande qu’on le croit. De plus, les recherches de M. Braid sur l’hypnotisme ont démontré que l’action d’une volonté étrangère, d’un fluide étranger, ne sont pas nécessaires au sommeil magnétique, et que, comme le somnambulisme naturel, il est causé par un état particulier du système nerveux auquel le patient atteint de lui-même. Ainsi les faits qui semblent incroyables sont expliqués. Il est très possible que la plupart des divinations soient des observations plus perspicaces que l’excitation des sens accessibles à des impressions très faibles rend vraisemblables. Une présomption très forte qu’il n’y a pas là une faculté nouvelle développée par le sommeil ou l’état nerveux, c’est l’incertitude, le tâtonnement, les erreurs des somnambules. Leurs paroles ont l’apparence du résultat de l’observation et non de la sensation. Lors même qu’il y aurait là quelque fait mystérieux et encore inexplicable, le merveilleux serait pourtant bien loin.

M. de Puységur ne pensait guère à toutes ces choses, non plus qu’un personnage très singulier, qui n’était pas gentilhomme comme lui, médecin comme Mesmer, pas même alchimiste, mais qui a joué le plus grand rôle au XVIIIe siècle et vécu de la vie la plus singulière. Successeur de M. de Saint-Germain, Cagliostro était bienfaisant et beau, guérissait comme un charlatan, écrivait des mémoires comme Beaumarchais, a été à la Bastille comme les plus célèbres de ses contemporains, a compromis la reine comme le cardinal de Rohan, a joué en un mot tous les rôles qui excitaient alors la curiosité et l’intérêt. Il a même été trompé par sa femme, ce qui rend toujours très populaire. Ses opérations magiques avaient pour but l’évocation des morts, ce qui est très facile, comme on sait. Il était aussi franc-maçon, et sa femme Lorenza, longtemps maîtresse de Potemkin, prêchait l’affranchissement de la femme ; C’est à la politique que tendaient toutes les merveilles opérées par Cagliostro, et dans l’affaire du collier il n’avait, dit-on, d’autre but que de nuire à la reine et de hâter la révolution. L’histoire de sa vie semble suggérer des idées différentes, et les réunions d’hommes et de femmes qui se tenaient chez lui et chez Lorenza, ses soupers, ses fêtes, n’ont pas toujours l’apparence de conciliabules de conspirateurs.

De nos jours, le magnétisme a repris une faveur nouvelle, les tables ont tourné, les esprits ont frappé et parlé ; la magie et les