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que la même découverte a pu être faite dans vingt endroits à la fois. On magnétisait et l’on entrait en crise à Paris, à la campagne, en France, en Angleterre, en Allemagne, et jusque sur le vaisseau qui portait M. de La Fayette en Amérique. M. de Puységur a inventé non-seulement l’idée de guérir par le magnétisme, mais d’employer le somnambule à deviner les maladies, de sorte que le sommeil artificiel ne fut plus une médecine, mais un médecin. Les théories de M. de Puységur étaient obscures comme celles de Mesmer, mais il n’était point charlatan, et il a réellement bien vu le sujet magnétisé tomber dans cet état nerveux qui tient du sommeil et de la veille, où tous les sens sont excités, où les facultés intellectuelles sont augmentées, et dont nous avons déjà signalé quelques effets dans le cours de cette étude. Sans doute le somnambule ne lit pas avec le dos, ne prédit pas l’avenir, et ne révèle pas un passé ou un présent qu’il n’a pu connaître ; mais, il voit mieux qu’à l’ordinaire, il se rappelle des choses qu’il croyait avoir oubliées. Il est dans cet état de surexcitation dont les défauts, les imperfections nous étonnent autant que les facultés puissantes. Ainsi l’on sait qu’un des talens particuliers aux somnambules, même aux femmes les plus délicates, est de se promener sur les toits sans danger. Leur assurance n’est point due à une habileté plus grande, mais au défaut de réflexion, à la direction fixe et droite de leurs regards. Ils ne voient pas le danger. C’est le raisonnement et la prévoyance du couvreur qui rendent son métier difficile. Les somnambules, les hallucinés et les fous ne regardent que le sol sur lequel ils marchent et n’aperçoivent rien au-delà. En outre tout nous étonne chez eux, parce que tout est renversé. Ordinairement les muscles et les membres obéissent à la volonté ; ici, c’est l’inverse : un mouvement involontaire ou commandé change le cours des idées. Il y a pour ainsi dire un reflux nerveux, comme dans le sommeil ordinaire. Certaine position des membres fait penser le somnambule aux actes qui correspondent à cette attitude. Le somnambule dont la tête est penchée, et que l’on fait mettre à genoux, devient humble et pieux, et ses discours s’en ressentent. Si l’on écarte les coins da sa bouche, il est gai ; si ses bras sont élevés et ses doigts fermés à demi, il croit grimper. Ces effets peuvent être variés à l’infini et toujours surprendre ; mais le sommeil ordinaire empêche d’y rien voir de merveilleux. On demandera : les somnambules peuvent-ils prédire ? n’ont-ils pas des connaissances et des facultés interdites aux hommes dans l’état normal ? Non assurément Leurs sens peuvent être développés, mais non radicalement changés. N’y a-t-il pas une communication mystérieuse entre le magnétiseur et le magnétisé ? Peut-être. Pourtant on peut dire que nulle expérience de ce genre n’a été faite sérieusement. D’abord il n’est pas ; vrai qu’on puisse être endormi