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et de mysticité, dont il a expliqué l’origine et la source dans ces trois vers :

E’l sol montava in su, con quelle stelle
Ch’ eran con lui, quando l’amor divino
Mosse da prima quelle cose belle.

Le paysage infernal a été admirablement compris et rendu. Voilà bien les rocs sans verdure, vieux comme les ossemens de la terre, les pics pointus et inaccessibles où la volonté divine fait atteindre cependant les deux poètes, les ravins desséchés de ces campagnes éternellement altérées, les hautes falaises des mers infernales. Nulle trace de vie, de végétation ; la diversité des supplices et les nécessités de l’exécution de la justice divine imposent seules la variété à ce paysage uniforme : ici les lourdes pluies noient, sans le rafraîchir, le sol stérile ; plus loin la monotone campagne est coupée par une sorte de mer Adriatique aux flots furieux qui tourmente les colériques à l’âme bouillonnante comme elle ; ailleurs s’étend le cimetière brûlant des hérésiarques ou la plaine percée de citernes fumantes où sont plongés, la tête en bas, les simoniaques. Aucun abri : si la chaleur et la fumée deviennent trop violentes, il faut s’éloigner en hâte ou se mettre à l’abri derrière la pierre de quelque grand tombeau comme celui du pape Anastase ; ce sont là les ombrages de cette région désolée. De distance en distance on rencontre, pour égayer le sombre chemin, quelque monstre effrayant et curieux : ici l’opprobre de Crète étendu brutalement sur un rocher, là les centaures gardiens de la mer de sang où sont punis les assassins et les tyrans, ailleurs les furies vengeresses qui volent dans l’air obscur et font entendre un concert composé de menaces, de gémissemens et de plaintes. M. Doré n’a pu échapper entièrement à cette monotonie obligée, mais il a tiré parti de toutes les ressources que lui offrait le poète, et il a surmonté l’obstacle autant qu’il était possible de le surmonter. Cette observation s’applique, bien entendu, exclusivement à ses dessins du paysage infernal, autrement dit à l’encadrement de ses scènes, et nullement à ces scènes mêmes, c’est-à-dire à la partie humaine et dramatique de sa nouvelle œuvre, qui est très variée et pleine de mouvement.

Nous avons énuméré et décrit les principaux caractères du talent de M. Doré. Dressons maintenant un catalogue dramatisé des gravures sur lesquelles devra se porter plus particulièrement l’attention du curieux, en ayant soin de les comparer avec le texte du poète.

La Rencontre de la Panthère, du Lion et de la Louve. — M. Gustave Doré n’est pas tombé dans l’erreur commune qui fait apparaître