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simultanément ces trois animaux aux yeux de Dante, et il a consacré justement trois dessins à ces trois apparitions successives, lesquelles symbolisent trois passions qui ne se rencontrent guère en même temps dans le cœur de l’homme. De ces trois gravures, la meilleure est la première. La panthère est arrêtée en face de Dante dans une attitude pleine de souplesse et de puissance. Dante recule d’un pas, intimidé plutôt qu’effrayé, car l’artiste a très finement saisi la nuance du sentiment qu’exprime le poète. La panthère en effet ne déplaît pas à Dante, et il montre de l’admiration pour sa fourrure tachetée. Le paysage est bien celui qui est indiqué dans la Divine Comédie ; cependant de ce paysage nous n’avons que le terrain, et non l’atmosphère : il y manque cette douce lumière et cette couleur du matin qui se mariaient si bien, selon Dante, avec la peau tachetée de la panthère. C’est bien le matin, mais le matin gris clair, avant les premières teintes de l’aurore : le ciel de cette gravure retarde environ d’une heure sur le ciel du poète. J’aime moins la rencontre du lion que celle de la panthère : elle fait songer non à l’épisode de Dante, mais à quelque épisode de la vie des pères du désert, et reporte la mémoire vers les vieilles gravures où sont représentées les rencontres miraculeuses des cénobites et des bêtes féroces. L’exécution de M. Pisan semble encore avoir exagéré le ton noir de ce dessin ; ajoutons qu’il n’y a pas de proportion entre le paysage et les personnages, qui sont le poète et le lion, et ici nous touchons à un défaut trop habituel à M. Doré, et très frappant dans quelques-unes des gravures qui suivent celle-là, notamment la cinquième et la huitième, la Porte d’Enfer, Ses personnages sont écrasés par les paysages dans lesquels ils se meuvent. Dans la rencontre de la louve, nous louerons le paysage et surtout une éclaircie de lumière qui indique bien cette heure du jour mentionnée par Dante et symbolisée par l’acharnement de la louve sans repos à repousser le poète là où le soleil se tait ; mais cette louve a l’air d’un chien altéré, et, n’étaient les lauriers qui entourent les fronts de Dante et de Virgile, on pourrait prendre cette scène pour la promenade de Faust et de Wagner suivis par le barbet infernal. Nous avons déjà mentionné le dessin composé sur ces vers :

Lo giorno se n’ andava e l’aer bruno, etc.


C’est un des plus beaux de la collection. Toute la magie brillante des nuits étoilées déploie ses magnificences sur la tête des poètes.

Béatrix informant Virgile des ordres du Très-Haut. — Le paysage est beau, et le gazon surtout est pour l’œil une joie Véritable. C’est un vrai gazon des Champs-Elysées, gras, épais de fleurs, où les