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d’exportation. Cependant les prix de 3 florins 40 kreutzers et 3 florins argent par metzen dépassent sensiblement les prix moyens des dix dernières années, bien que dans cette période il y ait eu trois années de grande cherté, 1854, 1855 et 1856, pendant lesquelles d’ailleurs les prix moyens de Marseille et de Londres atteignaient et dépassaient 30 francs l’hectolitre. Notre opinion peut s’appuyer sur la déclaration qui nous a été faite, et que nous sommes autorisé à citer ici, par un des plus grands propriétaires de la Hongrie. M. le comte Edmund Zichy, dont les terres sont cependant parfaitement situées sur le chemin de fer de Pesth à Trieste, près de Stuhl-Weissenbourg, nous a dit être prêt à vendre d’avance ses récoltes de cinq années au prix de 3 florins 50 kreutzers, monnaie d’argent, par metzen, soit 14 francs l’hectolitre rendu à la station. Les fromens du comte Zichy sont connus pour être d’une qualité supérieure, et obtiennent toujours à la vente une prime sur les prix courans du marché.

L’accroissement de production doit-il avoir pour conséquence une augmentation du prix de revient ? Rien ne saurait le faire supposer ; ce n’est point par une extension immédiate de la culture que la Hongrie doit chercher à accroître la masse des produits exportables, c’est plutôt par la substitution du froment au seigle ou au méteil et par l’amélioration du rendement moyen ; ces deux mesures ne sauraient avoir pour effet une hausse de la main-d’œuvre, très chère déjà depuis plusieurs années, et c’est cependant là le seul élément qui pourrait avoir dans le principe sur le prix de revient une influence décisive. Il a été dit, du reste avec beaucoup de raison, qu’au point de vue de la production des céréales il y a trois périodes distinctes dans la vie des pays agricoles : dans la première période, la production relativement aux surfaces est très faible, mais le prix de revient est très bas ; dans la seconde période, la production s’élève, mais le prix de revient s’élève lui-même dans une proportion plus forte ; dans la troisième période enfin, la production augmente plus sensiblement peut-être encore que dans la seconde, mais le prix de revient diminue. La Hongrie est en voie de passer de la deuxième à la troisième période, tandis que la Russie et les principautés danubiennes n’en sont pas encore à passer de la première à la seconde, et la position de ces producteurs concurrens sera encore sensiblement aggravée par les circonstances spéciales de la crise organique qu’ils ont à traverser.

Au reste, si l’avenir ne permet pas de certitude absolue, le passé nous offre des enseignemens positifs, et nous allons trouver, en nous aidant de la statistique, des argumens qui ont bien quelque valeur. En examinant la période décennale de 1851 à 1860 et en tenant compte du change moyen annuel du florin autrichien, on trouve que sur les marchés du pays le prix moyen de l’hectolitre du blé hongrois a été de 13 francs 24 centimes, et celui du banat de Temesvar de 11 francs 34 centimes. Or supposons pour un moment que l’Autriche eût fait dix ans plus tôt ce qu’elle a fait dix ans trop tard,