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comme à bord des navires, sont d’excellente qualité, les hommes spéciaux, tels que pilotes, charpentiers, mécaniciens, sont généralement instruits et très au courant de leur métier.

Afin de pouvoir construire et armer de très grands bâtimens, on a bâti un arsenal à Pola ; celui de Venise, autrefois si célèbre, est complètement en ruine et ne sert plus qu’à la réparation et à l’entretien des chaloupes canonnières qui gardent les lagunes. L’arsenal de Pola n’est pas encore terminé ; grâce aux changemens si nombreux dans l’administration de la marine, il a déjà coûté des sommes énormes, chaque administrateur modifiant le plan primitif. L’attention est attirée, quand on le visite, sur trois belles cales couvertes dont l’aspect est monumental. Le bassin, construit par l’ingénieur américain John Gilbert, est un très beau travail ; il est entouré d’un système de cales qui peuvent recevoir quatre vaisseaux. Pour y monter les bâtimens, on a établi une forte pompe hydraulique qui sert en même temps à vider l’eau du bassin.

Le gouvernement autrichien a en outre à sa disposition les grands chantiers particuliers qui se trouvent dans les environs de Trieste : celui du Lloyd, qui contient deux bassins de carénage, dont l’un suffisamment vaste pour recevoir les plus grands vaisseaux, une cale du système Morton, des chantiers pour huit navires et un atelier où l’on fait des machines à vapeur de toute dimension ; le chantier Saint-Marc, à Tonello, où l’on a construit les deux frégates blindées et quatre des nouvelles canonnières ; le chantier Saint-Roch, qui fait en ce moment cinq navires pour le gouvernement. Cet établissement est complètement pourvu des machines les plus modernes servant à améliorer ou à abréger le travail ; la machine de 800 chevaux du Kaiser sort de ses ateliers.

Les faits que nous venons d’exposer montrent l’ardeur de l’Autriche à se créer une marine. Une publication récente[1], qui a eu un grand retentissement dans tout l’empire d’Autriche, et qui parait résumer l’opinion d’un parti considérable, déclare qu’on ne doit reculer, pour atteindre ce but, devant aucun sacrifice. Cette apparition d’une nouvelle marine dans la Méditerranée est-elle avantageuse ou contraire à nos intérêts ? Nous n’oserions rien avancer à cet égard, l’avenir en décidera ; cependant, en présence des efforts que fait l’Italie pour prendre pu point de vue maritime une attitude en rapport avec sa nouvelle situation, il n’est pas sans intérêt.de voir grandir une rivale à ses côtés. Ce qui pour nous ressort surtout de ces faits, c’est qu’avec de l’argent, une force navale est bien autrement facile à former maintenant qu’autrefois, et qu’il faut se tenir constamment au courant de la situation des marines secondaires, si l’on veut se rendre compte de l’importance qu’elles auront au jour du combat.


H. DE LA PLANCHE.


V. DE MARS.

  1. La Marine de l’Autriche, par un marin autrichien. Vienne 1860.