Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/813

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

être faut-il plus regarder au passé qu’au présent. Un avenir prochain donnera la mesure de ce qu’aura gagné la ville à se jeter dans la carrière des emprunts pour imiter ce que le commerce fait fort à propos au Havre, et l’administration fort inconsidérément à Paris. Le concours du traité de commerce avec l’Angleterre, de la guerre des États-Unis et de la cherté des subsistances ne donne pas à ses entreprises le mérite de l’opportunité. Ces circonstances sont, grâce à Dieu, passagères ; mais, ne le fussent-elles pas, l’industrie et la population se seraient tout aussi bien trouvées d’une administration modestement appliquée à modérer les taxes municipales, à raffermir la santé publique, et préparant le surplus en comptant davantage sur le bénéfice du temps.

La filature et le tissage du coton, qui dominent tous les autres travaux dans le district manufacturier de Rouen, ne sont point concentrés dans la ville : ils occupent trente mille ouvriers dans les campagnes adjacentes et projettent au loin de fécondes ramifications ; mais la ville est le cœur et le foyer de toute cette activité. C’est dans son sein que se mesurent les capitaux, que se combinent les organes mécaniques ou autres de la fabrication, que se distribuent les matières premières, que se réunissent les produits ouvrés, que se règlent les prix d’achat et de vente des marchandises ; elle réagit ainsi sur toutes les veines de la vaste organisation dont elle est le centre, et rien de ce qui l’affecte dans sa puissance ou son économie n’est indifférent au plus humble hameau de son ressort.

IV. — Elbeuf, Louviers, Pont-de-l’Arche.

La marée, qui monte et descend sous le pont de pierre construit à Rouen par M. Lamandé, l’éminent ingénieur à qui Paris doit le pont d’Iéna, heurte, aux jours des syzygies, le barrage de Poses, et expire d’un côté dans l’Eure, de l’autre dans l’Andelle, au pied de la côte célèbre des Deux-Amans. Le flot embrasse sur tout cet espace des îles couvertes de bois et de pâturages ; les forêts du Rouvray et de Pont-de-l’Arche couvrent les terrains graveleux de la rive gauche, et aux approches d’Elbeuf les coupes accidentées du terrain crayeux éclatent de blancheur aux rayons du soleil, ou apparaissent comme de gigantesques fantômes au travers de la brume. Le district manufacturier de Rouen s’étend dans cette partie du bassin par les industrieuses agglomérations d’Oissel, d’Elbeuf et de Louviers. Réuni à Rouen par la Seine, par une route facile et par le chemin de fer, Oissel en est presque un faubourg ; il est un tributaire de sa halle aux toiles, et le nombre de ses grandes cheminées témoigne de l’activité dont y jouissent, dans les circonstances