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quelques ménagères cauchoises, qui, par un judicieux amendement des instructions de Colbert, auraient substitué à des palmipèdes d’une suprême élégance tant qu’ils nagent des congénères dont la supériorité devient incomparable dès qu’ils sont cuits ? Sans attacher une importance exagérée à cette question historique, la Société d’agriculture de Rouen devrait examiner quels obstacles empêchent de nos jours l’industrie de Duclair de s’étendre à tout le cours de la Seine ; elle n’en découvrirait probablement pas d’autres que l’incurie des riverains. La Hollande est parvenue, par la propagation des oiseaux aquatiques et du poisson dans ses canaux, à rendre ses eaux intérieures encore plus productives que ses terres. Appliquons-nous à suivre ses exemples ; les besoins alimentaires de nos populations d’ouvriers talonnent partout notre agriculture, et le district de Rouen n’est pas celui où ils sont le moins pressans.

V. — Le chenal de la Seine. — Le Mascaret.

Les travaux d’endiguement de la Seine maritime ont eu pour objet la fécondation de tout le bassin hydrographique que nous venons de parcourir, de ses campagnes et de ses villes secondaires aussi bien que de sa métropole. Ils devaient produire deux résultats, la conquête de terrains précieux et l’amélioration du chenal de la Seine.

On sait à quoi s’en tenir sur les dépôts des terres d’alluvion ; ils ont surpassé les espérances de l’agriculture au point de causer quelques inquiétudes à la navigation. Quant aux résultats commerciaux de l’amélioration du chenal de la Seine, ils ont été résumés par la chambre de commerce de Rouen en termes d’une éloquente précision. « La marée, a dit la chambre[1], remonte aujourd’hui plus haut et plus longtemps qu’autrefois dans le port de Rouen ; elle se fait sentir plus loin en amont, et favorise ainsi la navigation fluviale. — Aux marées de vive-eau, le chenal endigué de Caudebec à Tancarville offre de 6 à 7 mètres d’eau là où il n’y en avait autrefois pas plus de 3. — Il monte aujourd’hui à Rouen des navires calant 4m 60, lorsque autrefois le maximum était de 3 mètres. — Du 1er janvier 1830 au 31 décembre 1851, il y a eu entre Tancarville et Caudebec 103 navires totalement perdus, coques et cargaisons, soit près de cinq par an, et les avaries des autres navires étaient évaluées à 75,000 francs par an. Depuis le complet endiguement,

  1. Notice sur les Avantages et les Économies déjà recueillis de l’Endiguement de la Seine exécuté jusqu’à Tancarville, et sur ceux à recueillir si la baie était améliorée jusqu’à Berville, in-8o ; Rouen, décembre 1859.