Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/834

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les prétentions tchèques développées à Vienne par M. Rieger, qui s’en fit l’interprète infatigable, peuvent se résumer ainsi. — Le parlement de Vienne constitue en réalité le pivot sur lequel tourne et repose tout l’édifice monarchique. La diète, dans chacun des royaumes de l’Autriche, devrait être le pivot sur lequel tournerait et reposerait chacun des systèmes provinciaux dont l’ensemble forme l’empire. Chacune de ces diètes provinciales par conséquent devrait être pourvue de droits souverains et exercer dans sa plénitude le pouvoir législatif, sauf sanction impériale, pour tout ce qui touche aux intérêts provinciaux. — De cette mesure à un ministère provincial, à l’autonomie, à l’union personnelle, Il n’y a qu’un pas. À première vue, ces prétentions paraissent excessives ; on les trouvera même entièrement injustes, si l’on se rend compte de l’esprit qui serait apporté dans l’exercice de ces prétendus droits nationaux. D’un côté en effet, la noblesse poursuit le rétablissement de ses privilèges, et de l’autre quelques hommes nouveaux rêvent la création à Prague d’un gouvernement dont ils occuperaient les emplois. Enfin les classes inférieures voient dans cette indépendance provinciale la satisfaction des sentimens les moins libéraux. Il est de toute équité que les élèves des écoles puissent être instruits dans leur langue maternelle ; mais lorsque le conseil municipal de Prague instituait dans chaque quartier des écoles tchèques, il repoussait, à la majorité de 33 voix contre 20, la proposition d’un de ses membres qui tendait à ouvrir en même temps des écoles allemandes. Quelques jours après, la majorité revint, il est vrai, sur ce vote ; il n’en reste pas moins comme un symptôme significatif. On sait enfin de quelles violences le quartier des Juifs dans cette même ville a été tout récemment le théâtre. On ne peut donc, en face de pareils faits et de semblables espérances, que faire des vœux pour le succès de la politique conservatrice et libérale inaugurée pax la constitution du 26 février 1861, car, tout en laissant de libres développemens à l’esprit provincial, elle garantit à toutes les races des droits égaux et une protection efficace par l’établissement d’un pouvoir central et supérieur auquel il est permis de recourir en cas de danger.

La diète du Tyrol, pays traditionnellement fidèle à la cause impériale, fit cependant entendre aussi ses protestations, mais sur des sujets d’un ordre bien différent. Elle adopta, sur la proposition de l’évêque de Brixen, le projet d’une supplique à l’empereur pour lui demander d’interdire aux protestans l’exercice de tous droits dans le Tyrol et d’éloigner les Juifs. L’archiduc Charles-Louis, frère de l’empereur et gouverneur du Tyrol, félicita même la diète de sa résolution ; mais plus tard, et sur une interpellation adressée au sein du Reichsrath, M. de Schmerling protesta contre les sentimens manifestés par la diète d’Inspruck, et l’archiduc Louis fut remplacé