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a raison de vouloir, pour maintenir l’Autriche au rang des grandes puissances européennes, que les intérêts extérieurs soient communs entre la Hongrie et l’Autriche, la nation magyare ne concédera rien de définitif sans l’assentiment d’une diète nationale. Or, en attendant que la réunion d’une nouvelle diète hongroise soit possible, la réouverture du parlement de Vienne apporte une nouvelle force aux prétentions de l’Autriche. En ce qui concerne la Hongrie, la politique du Reichsrath n’est pas douteuse. Dans la discussion de l’adresse en réponse à la communication du gouvernement sur les affaires hongroises, les représentans des nationalités ou se sont abstenus ou ont soutenu le gouvernement. Les députés polonais n’ont pas émis de vote ; M. Rieger, le chef du parti bohème, a parlé dans un sens favorable à l’unité de l’empire. La droite dans la chambre des députés a gardé une attitude froide et silencieuse, parce qu’elle écoutait dans M. de Schmerling plutôt le libéral que le conservateur. La chambre haute au contraire, entraînée par l’éloquence militaire du comte Clam-Gallas, n’a pas ménagé son assentiment et son appui. Enfin, en dehors du parlement, l’opinion libérale de l’Autriche proprement dite et les sentimens monarchiques des provinces de l’ouest poussent le gouvernement dans une voie tout autre que celle de la conciliation.

Lorsque l’on juge la politique de l’Autriche et que l’on discute les actes de son gouvernement, on ne tient pas d’ordinaire un compte suffisant de l’état social et des sentimens d’une grande partie de ses populations. Celles de l’ouest en particulier possèdent des qualités trop sérieuses et trop attachantes pour qu’on les traite avec une indifférence injuste, lors même qu’elle ne serait pas impolitique. Le Tyrol, dont les montagnes sont habitées par une race non moins héroïque que les Magyars, la douce et poétique Styrie, le Salzbourg et le Salskammergut, ces pays que l’on peut préférer à la Suisse, même pour la variété des paysages, la profondeur des vallées, la limpidité et la grandeur des rivières et des lacs, sont encore pénétrés de sentimens monarchiques et religieux, dont la diète du Tyrol, comme on l’a vu plus haut, a manifesté l’exaltation. Sans doute le gouvernement impérial a dû résister à ces excès, mais il ne peut suivre une politique qui leur serait trop manifestement contraire. Ce n’est donc pas seulement à Pesth et à Vienne qu’il faut juger la conduite à tenir, mais aussi à Inspruck et à Salzbourg, et pour notre part nous sommes heureux, après avoir eu l’occasion de visiter ce qu’on peut appeler les pays libéraux, la Hongrie, la Bohême et l’archiduché d’Autriche, d’avoir fait connaissance avec les autres états héréditaires où les hommes sont restés fidèles au culte, aux mœurs, au costume de leurs pères, où les routes sont bordées