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de chapelles et d’oratoires dans lesquels les passans prient en commun et à haute voix pour le très gracieux césar.

Ainsi donc, à droite, c’est-à-dire du côté des anciennes possessions de la maison d’Autriche, comme à gauche, à savoir du côté de la Croatie, toujours hostile aux Hongrois, aussi bien qu’au nord pour obéir aux tendances libérales des provinces allemandes, le gouvernement impérial est sollicité de résister aux prétentions extrêmes des Magyars. Ce sont là des obligations morales dont les hommes vraiment politiques de la Hongrie eux-mêmes doivent sérieusement tenir compte dans leur opposition, et auxquelles il faudrait avoir égard pour préparer un compromis acceptable et digne.

On a dit plus haut qu’au succès même des prétentions hongroises il fallait préférer la consolidation à Vienne du régime constitutionnel, qui seul peut développer les progrès intérieurs de tant de races arriérées, de tant de pays dignes d’intérêt, et imprimer à la politique étrangère de l’Autriche une direction désormais rassurante pour l’ordre européen. En réalité, ces deux causes sont connexes et ne sauraient être séparées. D’un côté, soit par la présence des quatre-vingt-cinq membres réservés à la Hongrie dans la chambre des députés à Vienne, soit que tout autre moyen prévale, un accord quelconque avec la Hongrie doit consolider le nouvel édifice constitutionnel, et d’un autre côté cet accord préserve à tout jamais la Hongrie du régime qui a pesé sur elle pendant douze années et l’a privée de l’usage de tous les droits qui, sauf deux seulement, lui ont été restitués. Utile à tous et à tant de titres, l’accord pour lequel nous faisons des vœux rencontre-t-il dans les antécédens historiques, dans la nature des choses, ces obstacles infranchissables qui ne permettront pas à la Russie par exemple d’anéantir la Pologne, et n’ont pas permis à l’Autriche elle-même de s’assimiler l’Italie ? Comparer le sort de la Hongrie à celui des deux nations vaincues, mais insoumises, dont le réveil trouble l’Europe, ce serait émettre une opinion qui ne supporte pas l’examen. Quels que soient les griefs de la Hongrie, quelle que soit l’irritation que les Magyars manifestent contre l’Autriche, on ne peut oublier les liens volontaires qui les ont unies pendant de si longues années, les sacrifices qu’elles se sont imposés l’une pour l’autre. Famille, affaires, politique, tout a été commun entre elles, et il suffit de visiter Vienne même, à défaut de Pesth, où l’agitation s’est concentrée, pour se convaincre du mélange des intérêts hongrois avec les intérêts autrichiens. Sans prétendre indiquer les bases ou les conditions du compromis que nous souhaitons, il est donc permis de compter sur l’issue amiable d’un différend qu’aucun motif ne commande de faire dégénérer en rupture définitive. Si jamais on a pu dire qu’une