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de l’ancienne Académie de peinture. Nous ne prétendons pour cela ni surfaire la valeur de ces talens, ni exagérer le succès de ces efforts. Encore moins, avons-nous besoin de le dire ? s’agit-il ici de formuler contre l’art italien une accusation aussi sûrement ridicule qu’elle serait foncièrement impie. La prééminence des écoles italiennes sur toutes les autres n’est pas un fait à discuter. La seule question qu’on puisse débattre encore concerne non l’excellence des œuvres, mais les influences en vertu desquelles ces œuvres se sont produites. C’est là ce que nous nous proposons de rechercher ; c’est en se plaçant à ce point de vue que la critique a le droit de hasarder sans paradoxe une comparaison entre ces grands souvenirs de la renaissance à Florence ou à Rome et les souvenirs à la fois plus humbles et plus modernes que résume en France l’histoire de notre Académie.


I

On peut diviser en trois périodes principales la série des progrès qui s’accomplissent en Italie à partir du jour où la peinture y est pour la première fois pratiquée par des maîtres jusqu’au moment où elle a trouvé ses moyens d’expression suprêmes et sa forme parfaite sous les pinceaux de Léonard et de Raphaël. L’époque des débuts, celle qui commence un peu avant le XIVe siècle pour prendre fin avec les premières années du XVe, a un caractère d’universalité dans les doctrines et d’obstination dans les procédés qu’on doit noter comme un contraste avec les libres tentatives, avec les divergences en tous sens, qui vont suivre. Cette uniformité toutefois des œuvres appartenant au XIVe siècle n’infirme pas le jugement qu’en face d’autres œuvres plus nombreuses encore et plus récentes, on pourrait porter sur les inclinations multiples des écoles italiennes. D’une part, l’uniformité a cette fois son excuse dans la timidité naturelle d’un art à peine sorti de l’enfance ; de l’autre, elle s’explique par l’empire légitime que devaient exercer les premiers exemples et le génie du premier réformateur. Giotto en effet domine tout et marque tout à son empreinte durant cette période d’initiation et d’apprentissage, il apparaît ou il revit dans tous les travaux qu’on exécute d’un bout à l’autre de l’Italie. C’est lui qui, de sa propre main ou par la main de ses élèves, inscrit le nouvel évangile pittoresque sur les murs des églises, des cimetières, des couvens et des palais ; c’est lui qui imagine, qui conseille ou qui inspire des plans pour les édifices, des projets pour la statuaire et l’orfèvrerie ; c’est lui enfin qui partout apporte la lumière, la règle, le zèle et l’intelligence de l’art.