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pourquoi la France de son côté n’en adopterait-elle point une semblable ?

Ce n’est pas du reste seulement dans la Mer-Rouge que la politique maritime de l’Angleterre repose sur un principe d’acquisitions habiles et savamment préparées. Gibraltar et Malte, ces deux clés de la Méditerranée, appartiennent aujourd’hui aux Anglais, et les traités ont reconnu cette occupation, que la guerre avait seule un moment autorisée. Les fortifications de Malte et de Gibraltar, élevées par l’Angleterre, n’ont d’égales que celles d’Aden ; puis, comme si ce n’était point assez de mettre les clés de la Méditerranée dans les mains de la Grande-Bretagne, les Iles-Ioniennes, grâce à un protectorat qu’elles répudient hautement, sont également reconnues possessions britanniques, et de la sorte la navigation de l’Adriatique se fait presque sous la surveillance des Anglais.

Sur les côtes orientales et occidentales de l’Afrique, l’Angleterre signe des conventions avec les chefs de tribus depuis qu’elle a dans toutes ses colonies aboli la traite et l’esclavage. Ces conventions favorisent l’établissement de comptoirs, permettent d’étudier le pays, d’en apprécier les ressources, et de préparer pour plus tard une sérieuse installation. Cela ne coûte que quelques barils de poudre, quelques fusils rouilles et un uniforme d’officier-général dont on fait cadeau au roi nègre, avec des colliers en verroterie pour ses femmes. Séduit par tous ces présens, le moricaud promet d’empêcher la traite, de ne plus vendre d’esclaves, et ne voit pas qu’on prend pied chez lui.

La vieille reine de Madagascar, Ranavalo, vient de mourir. Qu’ont fait les Anglais ? Fidèles à leur système de politique maritime, qui consiste à s’immiscer partout, ils ont envoyé au fils de la reine, Rakout, proclamé roi sous le nom de Radam II, des ambassadeurs chargés de présens et d’écus. Ces ambassadeurs sont partis de l’île Maurice, sur un navire de guerre, avec les ordres de leur gouvernement. Qu’a fait le chef de l’île voisine, La Réunion ? Il a formellement désapprouvé, au nom de l’administration, tous les journaux de la colonie, après quelques jours de discussion, sur la question de Madagascar, qui intéresse cependant à un si haut degré tous les créoles de Bourbon. Un seul navire est parti de Saint-Denis, c’est le petit vapeur Mascareignes, appartenant à un riche négociant, M. de Rontaunay, qui entretient des traitans à Tamatave. Quelques Français accompagnaient M. de Rontaunay : le préfet apostolique de Madagascar, entraîné par son zèle religieux, et MM. Laborde et Lambert, l’un ancien résident, l’autre ancien traitant à Tamatave. Tous deux, chassés jadis par l’ombrageuse reine Ranavalo, allaient revoir leur vieil ami Rakout, qui les a, dit-on, faits ministres ; mais aucune ambassade officielle, soit de La Réunion, soit de Paris, n’a