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où le commerce des engrais a le plus d’importance et continue à rendre le plus de services. Les moyens de répression indiqués alors se sont propagés trop lentement sans doute, dans nos départements ; cinq d’entre eux les ont adoptés, et dans un sixième le préfet d’Ille-et-Vilaine, M. Féart, vient tout récemment de prendre un arrêté pour la réalisation de mesures semblables. Cet arrêté offre implicitement aux agriculteurs d’utiles conseils et des enseignemens précieux. Si les agriculteurs entrent dans, cette voie, toutes leurs observations pratiques auront désormais une base certaine, puisque les résultats qu’ils auront constatés se rapporteront à des agens de la fécondation du sol dont ils connaîtront bien la composition, et dont ils pourront espérer de semblables avantages en opérant dans les mêmes conditions. En tout cas, ils seront assurés d’acheter pour leur valeur réelle les différens engrais commerciaux qui leur seront offerts[1].

Les cultivateurs reconnaissent depuis longtemps, à certains caractères, les engrais mixtes dont ils attendent le maximum d’effet, et c’est surtout d’après l’odeur putride plus fortement prononcée de ces engrais qu’ils les estiment davantage. Une telle base d’appréciation peut les guider, on le conçoit, toutes les fois qu’elle résulte des développemens de la fermentation dans une substance d’origine animale, riche en composés quaternaires ; mais en certaines circonstances elle devient la cause de singulières méprises. En voici un remarquable exemple. L’odeur la plus ordinaire qui domine dans les matières animales en état de putréfaction, matières qui toutes (a l’exception des substances gélatineuses et de la soie) renferment du soufre, c’est celle du composé appelé acide suif hydrique ou hydrogène sulfuré ; c’est encore l’odeur non moins forte

  1. Aux termes de cet arrêté, les marchands d’engrais doivent placer sur chacun des tas de matières fertilisantes mises, en vente un écriteau indiquant le nom ou la désignation exacte et la composition de l’engrais, et toujours, relativement aux engrais mixtes, la richesse en phosphates et en matières azotées. Il est défendu de réunir dans les magasins d’engrais des dépôts de tourbe ou d’autres substances non fertilisantes. Les marchands sont tenus de délivrer à tout acheteur une facture indiquant le nom et l’analyse de l’engrais, conformément aux inscriptions placées sur les tas. Un chimiste est spécialement chargé par l’administration de vérifier sur échantillons, prélevés par les inspecteurs ou remis aux voituriers, la composition de l’engrais, et si les résultats de l’analyse ne s’accordent pas avec les indications fournies par le vendeur, la fraude est. déférée aux tribunaux. MM. Moride et Bobière, à Nantes, ont dès l’origine prêté le concours le plus efficace à ces vérifications analytiques ; celles-ci sont confiées, dans le département d’Ille-et-Vilaine, à M. Malaguti, savant professeur de chimie agricole à Rennes. À l’aide de semblables mesures prises dans tous nos départemens, on parviendrait sans peine à moraliser le commerce des engrais, à répandre les notions utiles des sciences appliquées dans les campagnes, à sauvegarder les intérêts des cultivateurs, en assurant les conditions favorables de la production agricole.