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d’être en parfait accord soit avec l’enseignement reçu dans l’institut auquel il appartenait, soit même avec son enseignement antérieur, et par un scrupule honorable il se retirait. Ce pasteur était M. Edmond Scherer. Les points de dissidence étaient l’inspiration et le canon des Écritures. Un cours donné à Genève sur l’autorité en matière de foi, et en particulier sur l’autorité de la Bible, provoqua l’ouverture d’un cours correspondant, mais différent d’esprit, dans le sein d’une des églises indépendantes de la même ville. Une polémique assez vive vint bientôt animer la presse locale, et la guerre des brochures et des journaux dura longtemps. Des écrivains qui jouissent d’un crédit mérité dans leur communion, MM Malan, Merle d’Aubigné, Chenevière, Agénor de Gasparin, d’autres encore, entrèrent dans la lice, et il fut bientôt évident qu’un incident assez simple allait devenir la cause occasionnelle d’un mouvement sérieux dans le sein du protestantisme. Cette controverse fortuite allait, non pas certes produire, mais manifester par des signes nouveaux l’opposition qui existe de tout temps, au sein de toute église comme de toute école et peut-être de toute société, entre le principe de l’autorité et celui de la liberté. Ce résultat fut sensible, évident, lorsqu’au mois de juillet 1850 M. Colani eut fondé à Strasbourg sa Revue de Théologie et de Philosophie chrétienne. Ce recueil, qu’il entreprit de concert ou en collaboration avec M. Scherer, était conçu dans le même esprit que les leçons de ce dernier, et devait peu à peu s’élever à une exposition plus nette, pas méthodique et plus hardie des principes d’une science chrétienne qui n’avait point encore eu d’organe permanent en France. Celui-ci, qui dans ses débuts offrit un caractère ou plutôt des apparences d’indécision et d’obscurité, eut de la peine à se frayer sa voie dans le public, comme tout ce qui est grave et scientifique ; mais les rares lecteurs des premières livraisons, ou peut-être du premier volume, ne tardèrent pas à apercevoir que, pour peu que l’entreprise persévérât, elle contenait le germe d’une doctrine, le foyer d’une école, et que de ce point de l’horizon intellectuel il venait des penseurs et des écrivains, Le pronostic s’est réalisé : la Revue de Théologie et de Philosophie chrétienne est un ouvrage digne d’une attention particulière, et qui se recommande à ceux même qui ne s’intéressent qu’à la philosophie. Toutefois je ne pense point que, dans aucune église catholique ou dissidente, il fût raisonnable ou prudent d’écrire sans la prendre en très sérieuse considération, et celui qui descendrait dans l’arène non préparé à se défendre contre les nouveaux critiques risquerait de s’y montrer trop légèrement armé. Quant aux noms des auteurs, ce n’est pas aux lecteurs de la Revue des Deux Mondes qu’il est besoin d’apprendre