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eux-mêmes que le vent qui vient de la rive droite du Rhin a soufflé sur eux, et qui ne sait aujourd’hui que dans aucune partie du savoir humain on ne peut être au niveau de son siècle, si l’on ignore l’Allemagne ? Il ne serait même pas juste de présenter ceux-là comme les seuls ou même comme les premiers en date des membres de nos églises protestantes qui aient fait preuve d’un savoir indépendant dans l’appréciation des monumens et des doctrines de la religion évangélique ; mais, par la nature de leur esprit et par le mérite de leurs ouvrages, ils paraissent très propres à représenter et à caractériser une école nouvelle qui certainement n’est pas sans avenir.

On a vu plus haut quel champ s’ouvrait à l’interprétation, même sous l’empire de la doctrine orthodoxe de l’inspiration ; mais pour celui qui n’est pas enchaîné par les décrets d’une autorité constituée, on devine combien ce champ peut s’agrandir encore. L’interprète libre et qui ne se propose que d’entendre et d’adorer la parole en esprit et en vérité, comme elle le dit elle-même, qui ne se croit pas tenu d’en mettre l’explication d’accord avec une tradition, et une doctrine officielles, qui ne cherche qu’à satisfaire sa conscience et sa raison, se sent singulièrement à l’aise en présence de ces diverses questions. — Comment l’équivoque doit-elle être éclaircie ? Comment l’hyperbole peut-elle être réduite ? Comment la figure doit-elle être comprise ? — Il fait plus, il trouve des ambiguïtés, des exagérations, des métaphores là où l’on n’en avait pas vu avant lui. Et comme l’exemple même des auteurs de la réforme l’autorise à contrôler soit l’exactitude des textes, soit la canonicité des livrés, il en juge comme il ferait de tout autre monument de l’antiquité, et se donne tous les droits du philologue et du critique ; mais alors il ne tarde pas à examiner la doctrine même de la théopneustie. Après avoir réduit le nombre des livres canoniques, c’est-à-dire des livres inspirés, il se demande si les livres inspirés eux-mêmes sont pour cela infaillibles, et si des ouvrages qui présentent tant d’obscurités, qui prêtent autant à la sagacité du commentateur, ne doivent pas être étudiés comme des livres ordinaires, dont ils ont toutes les apparences. Alors ils ne seraient plus inspirés qu’en ce sens qu’ils contiendraient une doctrine inspirée. Il n’y aurait en eux de divin que la religion dont ils sont les monumens. Les discours du Christ respirent l’esprit de Dieu ; mais ils ont été conservés et transmis comme la mémoire ou la pénétration de ceux qui les ont entendus, rapportés, recueillis, traduits, en a conservé ou saisi l’expression. On voit donc comment la question de la théopneustie a pu devenir fondamentale, et comment elle est le point de départ de la théologie dissidente de MM. Scherer et Colani.