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IV

Ce n’est pas le lieu d’exposer les points importans sur lesquels ils ont pu répandre de nouvelles lumières ou provoquer des discussions utiles. Il suffira de dire que leur première pensée a été de se placer entre deux extrêmes, l’orthodoxie et le rationalisme. Pour eux, l’orthodoxie est la prétention de déterminer une fois pour toutes et d’autorité une interprétation de l’Écriture, une doctrine complète du christianisme en dehors de laquelle il n’y ait pas de salut ou du moins pas de vérité. Le rationalisme est pour eux la prétention de ne puiser que dans la raison pure ou dans la lumière naturelle tout ce que l’on doit croire et penser sur le monde invisible, sur Dieu, sur nos devoirs envers lui, de réduire en un mot toute religion à la théologie philosophique, et de la placer en dehors de toutes les traditions et de tous les monumens de l’histoire. Entre le rationalisme et l’orthodoxie, ils trouvent la religion réelle de l’humanité. Elle repose sur des livres et sur des événemens. L’école critique et historique ne peut ni se dispenser ni s’interdire d’étudier les uns et les autres. Or, suivant eux, de cette étude faite avec sincérité, avec conscience, avec abandon, il résulte deux effets différens, mais qui, même en se séparant, ne s’excluent pas l’un l’autre. L’un de ces effets est un état de l’âme qu’on ne peut définir qu’en l’appelant de son nom, la foi. C’est la croyance au Christ, c’est la confiance dans son enseignement, dans ses promesses. C’est une communion en esprit avec sa personne et sa vie qui devient la règle et la lumière de la conscience. L’autre effet, moins général et d’une importance moins pratique, ne se produit que dans l’intelligence. C’est, surtout pour les esprits cultivés et investigateurs, cette curiosité éclairée qui est le mobile de la science et l’âme de la critique : c’est un besoin rationnel de ramener, autant qu’à la distance des siècles la chose est possible, à sa vérité l’histoire et la doctrine de celui qui règne dans l’âme par la foi, et dont la présence sur la terre a changé le monde. De ces deux points, la foi et la science, le second surtout a été l’objet de la Revue de théologie et de philosophie chrétienne, Il est aussi traité de préférence dans les deux volumes qu’ont publiés l’un M. Scherer, l’autre M. Réville. Pour ceux même que ces graves sujets n’attirent pas, et par la plus singulière de nos inconséquences le nombre en est grand, la lecture des morceaux qui composent l’un et l’autre recueil serait remplie d’un vif intérêt. Il me semble qu’ils y trouveraient beaucoup de nouveauté. C’est un monde nouveau que le monde chrétien découvert et décrit par la critique moderne.