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Il ne nous appartient pas de décider où est la vérité, mais le noble amour qu’elle inspire nous paraît empreint dans tout ce qu’a écrit M. Scherer. Il est difficile de montrer à un plus haut degré cette impartialité de l’esprit sans laquelle il faut se résigner à parler de tout sans rien comprendre et à juger sur l’inconnu. L’auteur a les meilleures qualités du bon écrivain, et il nous semble que son talent, se dégageant des formes de la controverse, gagne tous les jours en souplesse et en élégance. Ses excursions dans le domaine de la critique littéraire ont été des plus heureuses, et ce genre, traité de nos jours avec tant de supériorité, me parait singulièrement convenir à la sûreté de son goût, à l’indépendance et à la délicatesse de son esprit. Il saura s’y montrer sévère et flexible, aimant le talent malgré les opinions, sensible au beau en restant fidèle au vrai. Le mélange de ses essais critiques avec ses essais théologiques donne à son livre une variété qui le recommande à des lecteurs divers, et ceux-là mêmes que le nom seul des discussions dogmatiques épouvante prendront sans trop d’efforts une idée de l’esprit général de la nouvelle école exégétique et religieuse dont M. Scherer est un des plus habiles et des plus intéressans interprètes.

Quoiqu’il ne s’y montre assurément pas étranger aux systèmes de la philosophie contemporaine, il est certain qu’il appartient, ainsi que son école, à l’esprit historique et critique qui, dans les diverses branches des sciences morales, tend à se substituer à cette manière abstraite et logique de considérer les choses qui avait longtemps paru le partage préféré du génie français. La philosophie de Hegel elle-même, avec ses apparences toutes métaphysiques, n’est, à le bien prendre, qu’une tentative d’introduire la méthode de l’histoire dans le champ de la spéculation, et, pourvu que cette nouvelle façon d’envisager les choses n’ait pas pour résultat, ce que je ne crains pas avec M. Scherer, de nous rendre si amoureux des faits que nous en contractions quelque indifférence pour les droits, je suis prêta reconnaître qu’il y a là une source abondante pour la pensée et pour le talent. Peut-être l’originalité est-elle maintenant impossible à rencontrer dans une autre voie. Pour la science religieuse en particulier, le point de vue de l’historien critique semble préférable, puisqu’enfin toutes les religions sont historiques, et que la nôtre en particulier est, par les personnages et les événemens, un des plus grands faits, sinon le plus grand, des annales de l’humanité. On ne saurait croire quel champ fécond s’ouvre aussitôt devant celui qui, sans parti-pris pour cela de tout rattacher à des causes terrestres, entreprend de se rendre compte, grâce à nos documens sacrés et à toute la littérature chrétienne des premiers siècles, de la manière dont les rayons de l’étoile de Bethléem se sont répandus sur la