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la comparaison du monopole de la Banque avec celui des chemins de fer. Une fois sur ce terrain, chacun tire à boulet rouge sur la Banque : les uns lui demandent de faire argent de son capital social immobilisé pour augmenter d’autant ses ressources disponibles ; d’autres lui conseillent d’étendre sa circulation fiduciaire grâce aux billets de 50 francs, dont l’émission, autorisée par la loi de 1857, a été ajournée jusqu’à ce moment ; d’autres se contentent de lui recommander d’éplucher les bordereaux qu’on lui présente et d’éliminer les uns au profit des autres. Nous ne parlons pas de ceux qui se prononcent franchement dès le premier jour pour le cours forcé des billets de banque, et voient là seulement le remède à tous les maux, la panacée universelle pour donner le capital à bon marché. Cette théorie n’est pas encore assez généralement admise pour mériter les honneurs d’une discussion en règle. Il faut se défier davantage de celles qui tendent au même but sans s’en apercevoir, et même en s’en défendant. Celles-ci seules sont dangereuses, parce qu’elles conduisent à travers des sophismes séduisans vers des conséquences qu’on ne voit pas d’abord, et qu’on ne peut plus éviter dès qu’elles apparaissent. C’est à ce point de vue qu’un écrit non signé, mais dont l’auteur est certainement initié aux affaires, mérite une attention sérieuse. C’est cet écrit même qui nous montre combien il importe d’éclairer l’opinion sur les dernières mesures prises par la Banque. Il a pour titre : La Banque de France et la fixité du taux de l’escompte. Nous allons d’abord discuter la question de principe, nous discuterons ensuite la question d’opportunité.

Il est très vrai que la Banque de France exerce un monopole, qu’elle seule a le droit d’émettre un papier qui est accepté comme de la monnaie, et qui, sans être un capital lui-même, puisqu’il n’est qu’une promesse de payer avec la signature de la Banque substituée à celle d’un particulier, n’en fait pas moins l’effet pour la Banque d’un capital dont elle a la libre disposition et qu’elle peut prêter comme elle prêterait des espèces métalliques. Si cette émission de billets atteint 800 millions et que la Banque attire de plus à elle, par la confiance dont elle jouit en vertu même de son privilège, 200 millions de dépôts pour lesquels on ne lui demande aucun intérêt, c’est, déduction faite d’un encaisse de 400 millions qu’elle est obligée de conserver pour faire face aux remboursemens, une somme de 600 millions qui ne lui coûte rien. Par conséquent elle a, pour prêter à de bonnes conditions, pour modérer le taux de l’intérêt, des avantages que n’ont pas les particuliers, qui n’ont de capitaux que ceux qu’ils ont économisés ou qu’on leur a prêtés moyennant intérêts. Parce qu’une banque privilégiée comme la Banque de France peut donner le capital à meilleur marché que les particuliers, s’ensuit-il