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et l’équilibre finira par se rétablir encore entre l’offre et la demande.

On objecte aussi ce ralentissement, dans la demande comme un inconvénient des plus graves, parce qu’il a pour conséquence d’arrêter le travail et de paralyser le mouvement industriel et commercial. Nous pourrions déjà répondre que la situation dont on se plaint est dans la force des choses. Étant admis qu’on ne peut pas créer du capital à volonté, du moment que celui qui existe est rare ou, ce qui revient au même, est plus recherché qu’offert, il faut bien le payer cher ; mais il est facile de démontrer que ce capital cher n’est pas toujours un obstacle au progrès de la richesse publique. Quel est le pays qui, jusqu’à ces derniers temps, a prospéré le plus rapidement ? C’est incontestablement l’Amérique du Nord, et cependant le loyer du capital y est rarement au-dessous de 10 pour 100, souvent à 12 et à 15 pour 100. En Angleterre aussi, l’élévation du taux à 5 et 6 pour 100, où il a été en moyenne en 1855 et 1856, a correspondu à un mouvement d’affaires tel qu’on n’en avait jamais vu auparavant. Il en a été de même chez nous aux mêmes époques ; les années 1855 et 1856 sont assurément les plus brillantes de la dernière période décennale, et le taux de l’escompte s’y est élevé en moyenne de 3 à 5 et à 6 pour 100. Cela ne veut pas dire que le développement des affaires commence avec l’élévation du taux de l’escompte. Il est évident que, pour faire naître ce développement, mieux vaut l’escompte à 3 qu’à 6 ; cela prouve seulement qu’une fois le mouvement commencé, il ne s’arrête pas pour une différence de 2 et même de 3 pour 100 dans le prix du capital.

Sait-on en effet quelle est la surcharge exceptionnelle que fait peser sur une transaction commerciale de 1,000 francs une différence dans le taux de l’escompte de 3 pour 100 ? Si cette différence se maintient pendant trois mois, le porteur d’un billet de commerce de 1,000 francs qui voudra le faire escompter pour quatre-vingt-dix jours paiera 15 d’intérêt au lieu de 7 50, et si la différence n’est que de 1 pour 100 (6 au lieu de 5), il paiera 15 au lieu de 12 50. Ce n’est pas là une surcharge qui puisse empêcher une transaction commerciale sérieuse. Ce qui l’empêcherait, ce serait que la Banque vînt à restreindre la durée de ses échéances au lieu de prendre un intérêt plus élevé. Alors le commerçant qui a besoin d’un crédit de quatre-vingt-dix jours, et qui n’en trouverait plus qu’un de cinquante ou soixante jours, serait obligé de s’arrêter tout court, et trouverait cette restriction beaucoup plus dure que l’autre, En abrogeant la loi de 1807 en ce qui concerne la Banque de France, et en laissant à celle-ci la liberté d’élever le taux de son escompte autant qu’elle voudrait et chaque fois qu’elle le jugerait utile, on a