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voulu éviter précisément qu’elle recourût trop souvent aux mesures, beaucoup plus graves de la restriction dans la durée des échéances. Les affaires qui se trouvent principalement arrêtées par l’élévation du taux de l’escompte, et il est heureux qu’il en soit ainsi, ce sont les spéculations aventureuses ou qui reposent sur un crédit exagéré. Celles-là souffrent d’une élévation du taux de l’escompte, parce que, les capitaux se resserrant, les renouvellemens sont difficiles, et qu’il faut arriver à une liquidation. Quel inconvénient y a-t-il à ce que ce résultat se produise ? Ce qui est utile au progrès de la richesse, ce sont les spéculations sérieuses, les crédits donnés dans la mesure où ils peuvent être soutenus ; le reste constitue un danger permanent, et plus tôt la liquidation arrive, mieux cela vaut. C’est peut-être grâce au trop long maintien du taux de l’escompte à 3 pour 100 que se sont organisées les mille affaires véreuses dont la liquidation se fait tous les jours en police correctionnelle, et qui ont gaspillé tant de capitaux qui auraient pu être mieux employés. En résumé, il n’y a pas d’autre alternative : ou bien l’on a des ressources infinies, un capital inépuisable pour répondre à une demande qui est illimitée, alors on est maître de la situation et l’on peut décréter la fixité du taux de l’escompte ; ou bien l’on n’a pas ces ressources infinies et il arrive un jour où la demande dépasse l’offre, alors il n’y a que l’élévation du taux de l’escompte qui puisse arrêter la demande et rétablir l’équilibre.

Quand on demande le taux de l’escompte invariable, on ne se donne pas la peine de jeter les yeux au dehors et de chercher ce qui se passe dans les pays qui peuvent le mieux nous éclairer à cet égard. Est-ce qu’en Angleterre par exemple le taux de l’escompte est invariable ? Non-seulement il varie à tout moment, selon les circonstances, mais il y a bien des gens qui prétendent qu’il ne varie pas assez souvent, et qu’il devrait suivre toutes les fluctuations du marché. Cette théorie aurait peut-être des inconvéniens dans la pratique : un établissement public ne peut pas toujours se conduire comme un simple particulier, il doit avoir plus de fixité dans ses allures ; néanmoins elle est certainement plus conforme aux véritables principes que celle qui demande l’invariabilité du taux de l’escompte. L’invariabilité du taux de l’escompte, c’est tout simplement le rétablissement de la loi du maximum sous une nouvelle forme et sous la forme la plus dangereuse. Qu’on applique le maximum à une marchandise qui n’est pas d’une indispensable nécessité, cela est fâcheux assurément ; mais si la marchandise à laquelle on l’applique vaut plus cher que le maximum, on cesse de la produire, et tout est dit : le mal n’est que partiel, et l’économie générale du pays n’en est pas troublée. Il n’en est pas de même en matière de