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du pays : il lui a donné des garanties sérieuses pour assurer la liberté et la sincérité des élections. L’administration précédente avait imaginé un procédé ingénieux pour se composer des corps électoraux favorables. La charte de 1850 détermine le mode de formation de la chambre des représentans, et en abandonne l’application à la loi électorale. Cette loi organique fait encore défaut aujourd’hui, En attendant, les élections ont lieu d’après un règlement provisoire qui date de 1849. Sous le bénéfice de ce provisoire, le ministère Manteuffel, la veille des élections, changeait les circonscriptions électorales selon les besoins de sa cause. Un arrondissement était-il divisé en deux camps politiques, l’un ministériel, l’autre libéral, on démembrait le district de manière à joindre les électeurs libéraux à la circonscription voisine et ministérielle, ou à les éloigner assez du chef-lieu électoral pour empêcher les libéraux tièdes de s’y rendre. C’est pour mettre fin à cet abus que le ministère Hohenzollern a fait voter par les chambres une loi qui fixe d’une manière définitive les circonscriptions électorales.

Bien que de tels actes aient donné satisfaction au vœu public, il n’en existe pas moins de graves dissentimens entre le ministère actuel et le parti libéral. Un incident imprévu, au moment des nouvelles élections, est venu rendre plus difficile encore la situation du ministère prussien : nous voulons parler du couronnement de Kœnigsberg. Depuis l’élévation en 1701 de l’électeur Frédéric III à la dignité royale, la Prusse n’avait pas vu pareille cérémonie. Frédéric Ier, en posant la couronne royale sur sa tête, avait déclaré le faire pour lui et ses descendans. En effet, les cinq rois qui ont succédé à ce prince se sont bornés, à leur avènement, pour toute cérémonie d’inauguration, à recevoir le serment d’hommage des états provinciaux, qui étaient à cette époque les seuls représentans reconnus de la nation. La charte de 1850, espèce de pacte bilatéral entre le trône et le peuple, a nécessairement modifié l’ancien ordre de choses : au lieu des états provinciaux, de formation toute féodale, ce sont aujourd’hui les deux chambres législatives qui représentent le pays. La constitution a parfaitement prévu l’éventualité d’un changement de règne. « Le roi, dit-elle, en présence des deux chambres réunies, jure de maintenir la constitution du royaume et de gouverner d’accord avec les lois. » Les membres des chambres, à leur tour, jurent fidélité et obéissance au roi et à la constitution. La même obligation incombe, aux termes de la charte, au régent du royaume. Ces dispositions, aussi concises que claires, avaient été fidèlement observées à l’avènement du prince-régent comme au jour où celui-ci, devenu roi sous le nom de Guillaume Ier, ouvrit la session législative de 1861. Généralement on croyait cette question des formalités vidée, lorsqu’on apprit que la noblesse élevait