Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la prétention de prêter au nouveau roi le serment d’hommage. Le public y vit, non sans raison, un attentat indirect contre la charte ; mais, en présence des influences qui prédominaient à la cour, le ministère finit par consentir à une sorte de compromis. Il donna tort et à ceux qui soutenaient que le serment constitutionnel ne pouvait abroger le droit des nobles à la prestation d’hommage, et à ceux qui voulaient que tout fût dit avec les sermens jurés devant et par les chambres. C’est ainsi que fut résolu le couronnement du roi à Kœnigsberg. « Cette cérémonie, disaient les partisans du compromis, n’est point un acte politique ; elle ne touche en rien au droit public, et donne satisfaction à ceux qui, pour vénérer la royauté, ont besoin de la voir revêtue de la pourpre et ornée du diadème. » L’opinion était assez disposée à se rendre à l’argumentation ministérielle, d’autant plus que l’expédient du couronnement avait été accueilli avec des murmures par le parti féodal. Cependant cette bonne disposition des esprits se modifia quelque peu sous l’impression des discours qui furent prononcés lors du couronnement. Au milieu de ces cérémonies d’origine féodale, le roi avait été amené, involontairement peut-être, à sortir de son rôle de prince constitutionnel, de même que ses ministres responsables avaient cru ne pas devoir intervenir dans les rapports passagers du souverain avec les différentes députations. Il convient donc de voir dans la plupart des harangues de Kœnigsberg, où il était question de « la couronne par la grâce de Dieu, » l’expression individuelle d’un sentiment tout naturel chez un prince élevé dans les traditions de la monarchie absolue. « Par cette formule : par la grâce de Dieu, affirmait quelques jours plus tard la feuille ministérielle de Berlin, aucun roi de Prusse n’a entendu se placer ni à côté de Dieu, ni au-dessus de la société humaine, ni revendiquer pour lui l’infaillibilité divine. » Au surplus, dans le discours royal adressé aux chambres après la cérémonie du couronnement, le roi eut soin d’assurer l’assemblée de son intention de marcher dans la voie des « droits jurés, » ce qui voulait dire : dans la voie constitutionnelle. Et, le croira-t-on ? dans cette circonstance, le royal orateur alla plus loin que ceux à qui il parlait, car dans leurs réponses ni les présidens des deux chambres, ni l’orateur des délégués des provinces ne firent mention des droits constitutionnels du pays : oubli grave, qui fut amèrement reproché depuis à M. Simson, président de la seconde chambre.

Ce qui est certain, c’est que les journées de Kœnigsberg contribuèrent à rendre la situation du ministère plus embarrassée dans les élections générales. Dans un pays comme la Prusse, où la vie parlementaire est de si fraîche date, il ne saurait être question d’un parti ministériel. Les personnages les plus notables des divers partis