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de leur nationalité. Ils viennent à Berlin, disent-ils, parce qu’ils y trouvent une tribune où ils peuvent exposer les griefs de la Pologne. C’est un malheur pour la Prusse comme pour les Polonais du grand-duché, l’entente s’établit difficilement entre des gens qui partent de points de vue tout opposés, et qui cherchent à se donner le change les uns aux autres sur leurs véritables intentions. La constitution la plus libérale du monde ne peut rien contre des dissentimens de cette nature. Les Polonais du grand-duché demandent pour leur pays un gouvernement national et indépendant de l’administration prussienne, c’est-à-dire l’union personnelle. Tant que cette base sera maintenue, on ne peut guère espérer un accord entre le cabinet de Berlin et la nationalité polonaise. L’égalité des droits civils et politiques pour les Allemands comme pour les Polonais, tel paraît être le dernier mot du ministère actuel.

Quel a été, en somme, le résultat des élections générales de 1861 ? Il est évident que l’élément libéral a fait de nouvelles conquêtes. La chambre de 1856 comptait 58 libéraux, celle de 1859 223 ; celle de 1862 en comptera 253. Le parti réactionnaire au contraire, qui était tombé, aux élections de 1858, de 218 à 57, n’aura plus que seize voix dans la nouvelle chambre. Le parti catholique en revanche s’est renforcé de dix-huit voix dans les contrées rhénanes, sous l’influence du clergé, qui s’est vivement ému de l’attitude prise par les libéraux dans la question italienne. Dans l’intérêt de la cause parlementaire, il faut regretter l’absence de plusieurs chefs de parti. La fraction féodale surtout sera privée de ses meilleurs orateurs. La mort lui a enlevé le professeur Stahl ; MM. de Gerlach, Wagener, de Blankenburg, ont été vaincus dans leurs arrondissemens par les candidats libéraux. L’éloquence de M. Reichensperger fera défaut au parti catholique ; MM. de Vincke et Simson ne dirigeront pas, dans la session qui va s’ouvrir, le parti libéral modéré. Les avantages de la lutte électorale semblent donc être entièrement aux progressistes, car à cette nuance appartiennent à peu près 100 voix sur les 250 que nous comptons pour le libéralisme en général. D’une minime fraction qu’ils formaient à la dernière session, les progressistes se sont élevés à l’importance d’un groupe politique très compacte, conduit par des chefs expérimentés.

Et cependant ce résultat n’a en lui-même rien d’inquiétant au point de vue du développement paisible des institutions libérale, en Prusse, à la condition, il est vrai, que les amis sincères de ce développement n’oublient pas un seul instant que les mœurs politiques du pays sont loin d’avoir devancé la charte de 1850. Il faut reconnaître toutefois que, sous ce rapport, bien du chemin a été fait depuis dix ans. L’attitude du gouvernement comme des partis dans les élections le prouve d’une manière irréfragable. Le ministère, avant