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la triste nécessité pour le gouvernement de venir emprunter au-delà de toute mesure sur le marché des capitaux flottans, d’y faire concurrence au crédit commercial, auquel ces capitaux appartiennent essentiellement, et l’inconvénient de frapper le crédit public, surveillé sans relâche par le marché monétaire, d’une dépréciation lente et funeste. C’est à cet état de choses que M. Fould veut mettre un terme. Nous ne sommes pas surpris qu’il y ait parmi nous une sorte de vieux parti turc que cette réforme trouble et inquiète ; mais nous sommes fâchés qu’un homme aussi spirituel que M. Brenier, et qui a pu voir naguère à Naples combien il est périlleux pour un gouvernement d’être trop lent à se réformer, ait dénoncé dans le système qu’on va inaugurer une innovation compromettante. M. Brenier aurait voulu que l’on gardât la prérogative des crédits décrétés. Comment pourvoir à ces crédits ? Par les moyens de trésorerie ? Mais il arrive toujours un moment où les moyens de trésorerie ne suffisent plus à porter les découverts existans. À ce moment-là, on rendrait l’élasticité aux moyens de trésorerie en consolidant une petite portion de la dette flottante. Voilà donc le cercle où des esprits conservateurs pensent que nos finances pourraient se mouvoir avec sécurité ! On marcherait des crédits décrétés à la dette flottante, de la dette flottante à la consolidation ! et ce serait toujours à recommencer ! et on enflerait ainsi, en temps de paix, par des accroissemens périodiques, et la dette flottante, et l’impôt ! Hélas ! c’est le triste horoscope qu’au lendemain des actes du 14 novembre un journal anglais renommé, l’Economist prévoyant les obstacles que rencontrerait l’entreprise de M. Fould, tirait de l’avenir financier de la France. Pourquoi des conservateurs du régime actuel donnent-ils raison d’avance aux fâcheuses prophéties des incurables parlementaires d’Angleterre ?

Quant à nous qui, en toute circonstance, avons à cœur de placer les grands intérêts du pays.au-dessus de dissidences secondaires, nous nous estimerons heureux du succès de l’œuvre commencée par M. Fould, et nous l’accompagnerons de nos encouragemens les plus sincères ; Nous irons plus loin : nous croirons contribuer dans notre faible mesure au succès du ministre des finances en signalant les circonstances politiques qui nous paraîtraient de nature à entraver l’accomplissement de sa tâche. Nous avons déjà indiqué à ce propos le dissentiment qui nous sépare de M. le ministre de l’intérieur. M. le comte de Persigny n’a jamais montré, plus de zèle à appliquer à la presse le système des avertissemens que depuis quelques semaines. Il y a peu de Jours, un avertissement a été donné par lui au Journal des Débats dans la personne d’un de nos plus illustres amis, d’un écrivain aussi renommé par la modération de ses opinions que par la grâce et l’urbanité de son esprit. Nous n’avons point à discuter les motifs de cet avertissement ; mais M. le comte de Persigny, en arrivant au pouvoir, nous a prévenus qu’il livrait à nos discussions ses actes administratifs. Il nous permettra donc d’user de cette licence pour lui exprimer le regret de le voir se montrer aussi sévère en ce moment envers la presse qu’eût pu l’être