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sur la pêche maritime. Dieppe était la principale ville de pêche de la généralité : soixante ou soixante-cinq bateaux s’expédiaient de ce port, année commune, pour la pêche du maquereau, et quatre-vingts ou quatre-vingt-dix pour celle du hareng. Ces bateaux, de 30 à 60 tonneaux, portaient chacun de vingt à trente hommes d’équipage. Dieppe armait aussi tous les ans une vingtaine de navires pour la pêche de la morue. En somme, cette ville, qui renfermait de vingt à vingt-cinq mille habitans, y compris ses faubourgs, vivait entièrement de la pêche. Le produit total annuel y dépassait 5 millions, dont moitié environ pour la pêche du hareng. Le bureau insistait sur l’importance de cette école de marins pour le recrutement de la marine militaire. « Survient-il une guerre : on exige du pêcheur, comme du cultivateur, la contribution de sa propre personne à la défense de l’état ; mais quelle différence entre les deux ! La milice de terre épargne le père de famille et les principaux agens de la culture ; le défaut de taille suffit pour les laisser à leurs utiles travaux. Chez les matelots, la levée n’épargne personne que les infirmes et les vieillards ; tout ce qui peut servir est pris. Si la guerre enlève un milicien, la famille n’a qu’un individu à pleurer ; le coup qui emporte un matelot peut faire une veuve et dix orphelins. » Pour donner secours à cette industrie, on réclamait un adoucissement à la gabelle et la suppression des droits d’entrée sur le poisson dans les villes, afin de concilier la rémunération due aux pêcheurs avec le bon marché du poisson salé, aliment des classes pauvres.

Au nombre des délibérations qui montrent combien les nouvelles doctrines économiques avaient pénétré dans les esprits, on peut citer le vœu émis pour l’entière liberté du prix du pain dans la ville du Havre. « Le prix réglé par la police, disait le bureau du bien public, est fixé sur le prix moyen du blé à la halle, c’est-à-dire entre le plus haut et le plus bas, sans égard à la quantité de sacs vendus de chaque sorte. Les boulangers ont donc intérêt qu’il soit vendu ou qu’il paraisse être vendu quelques sacs de blé à haut prix pour faire ressortir le prix moyen à un taux plus élevé. Pour remédier à ces inconvéniens, nous pensons que le meilleur parti est de laisser aux boulangers la liberté de vendre le pain au prix qu’ils voudront, en ne le soumettant à l’autorité de la police que pour le poids et la qualité. Il nous semble qu’on doit attendre les mêmes effets de cette liberté que de celle dont jouissent les marchands de farine, qui, à l’envi l’un de l’autre, vendent journellement leurs farines au rabais. Nous proposons que l’essai de cette liberté soit fait au Havre, sauf à l’étendre par la suite dans les autres villes de la généralité, si le succès répond à l’attente. » Le parlement ayant la grande police dans la province, c’était à lui qu’il fallait s’adresser pour obtenir