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l’autorisation ; l’assemblée invita formellement les officiers municipaux à la demander.

On s’occupait alors beaucoup d’introduire en Normandie la culture de la garance. Un membre de l’assemblée, M. Darabournay, secrétaire perpétuel de la Société d’agriculture, avait écrit un ouvrage sur la teinture des laines et lainages par les végétaux indigènes. Un autre de ses membres, le marquis de Conflans, offrit de consacrer gratuitement vingt acres de terre à la culture de la garance. Plusieurs propositions utiles ayant été faites dans l’intérêt de l’agriculture, comme la distribution de petits manuels aux cultivateurs, l’envoi de plusieurs élèves à l’école vétérinaire d’Alfort, la demande de plus grandes facilités pour l’emploi du sel, le même M. de Conflans, que sa qualité de lieutenant-général n’empêchait pas de se livrer à ses goûts agricoles, reçut mission de s’en occuper spécialement.

À tout instant, on voit revenir dans les procès-verbaux l’idée d’une importation de béliers anglais. « Feu M. le marquis de Conflans, écrivait quatre ans après Arthur Young, a acheté pour l’assemblée provinciale de Normandie 100 béliers anglais, qui lui revinrent, débarqués en France, à 9 guinées pièce. La France les a perdus quand il est mort. » Arthur Young ne s’explique pas plus clairement sur les causes de cette perte. Probablement les circonstances politiques ne furent pas étrangères à ce mauvais résultat. Le troupeau de Rambouillet, créé vers le même temps, a couru aussi de grands dangers pendant la révolution, et n’a été sauvé qu’avec beaucoup de peine. Il en est de cette importation de béliers comme du traité de commerce. Ce qui se serait fait alors ne serait plus à faire. Au moment où l’assemblée de Normandie tentait cette conquête, Bakewell commençait à réussir dans ses expériences, qui allaient ouvrir une voie nouvelle. Nul doute que des béliers de Bakewell n’eussent bientôt aussi passé le détroit, et nous aurions trois quarts de siècle d’avance pour le développement des races de boucherie.

Dans la dernière séance de l’assemblée, le secrétaire provincial, M. Bayeux, qui était en même temps directeur de l’Académie des sciences et belles-lettres de Rouen, annonça qu’il se proposait d’écrire une histoire des états de Normandie, afin de rattacher l’institution nouvelle à ses origines. L’assemblée approuva ce projet, qui aurait formé un pendant à l’Histoire du Languedoc, entreprise aussi sous les auspices des états de cette province, mais qui n’a pas pu être poussé bien loin, car M. Bayeux, devenu procureur-général-syndic du département du Calvados, fut massacré par le peuple de Caen au mois de septembre 1792.

L’assemblée tenait ses séances dans une salle du couvent des