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Verneuil, Domfront, Falaise, Argentan et Mortagne[1]. L’assemblée provinciale fut convoquée à Alençon, chef-lieu de la généralité, pour la session préliminaire d’août ; mais elle exprima le vœu de se réunir à l’avenir à Lisieux, et la session de novembre s’y tint en effet. Le président de l’assemblée, M. de La Ferronnays, évêque-comte de Lisieux, fut sans doute pour beaucoup dans ce changement, qui devait faire de sa ville épiscopale le chef-lieu de la province. Lisieux avait, outre son évêché, de véritables titres à cette préférence ; située au milieu de la partie la plus riche et la plus peuplée de la généralité, cette ville était en communication facile avec Paris, Rouen et Caen, tandis qu’Alençon, occupant le sommet d’une sorte de triangle, se trouvait loin de tout le reste. Le maire d’Alençon, M. Pottier du Fougeray, défendit les droits de sa ville, mais il ne put changer le vote. Lors de la formation des départemens, Alençon a pris sa revanche, et Lisieux est descendu au rang de chef-lieu d’arrondissement ; son antique évêché a même été supprimé par le concordat.

Dans la noblesse figuraient le comte de Rochechouart et le comte de Bonvouloir, qui ont été tous deux membres des états-généraux. Les procureurs-syndics élus furent, pour les deux premiers ordres, le comte de La Chapelle, et pour le tiers-état M. de Kéralio. On voit par le discours de l’intendant, M. Julien, que dans cette province comme dans beaucoup d’autres, on avait fort allégé le fardeau de la corvée avant l’édit de 1787. « Les principes de cet édit m’ont paru être depuis vingt ans ceux de la province ; j’en ai jugé par la manière dont on y a accueilli la liberté que je laissais aux paroisses de faire leur tâche par elle-même, ou de s’en redimer à prix d’argent au moyen de l’adjudication qui en était faite au rabais. C’était leur vœu qui décidait la manière dont la tâche serait acquittée, et vous avez vu comme moi que toutes adoptaient la contribution en argent. » Le même intendant s’exprimait en termes fort clairs sur la nécessité de supprimer un jour ou l’autre ce qui restait des anciens privilèges. « Vous ne vous bornerez pas là, disait-il, pour secourir les malheureux ; vous chercherez si les droits de cette multitude de privilégiés qui l’écrasent sont légitimement établis ; vous détruirez ceux qui auront été usurpés, et à l’égard des autres vous trouverez peut-être le moyen de les anéantir en inspirant, et peut-être sans peine à ceux à qui ils appartiennent le zèle dont vous êtes animés pour le soulagement du peuple. » La nuit du 4 août est là tout entière.

M. de Tocqueville a fait remarquer l’imprudence d’un pareil langage ; dans la bouche d’un intendant, commissaire du roi, il avait

  1. Les deux élections supprimées sont Conches et Verneuil.